lundi 21 décembre 2015

Ce merveilleux loup volant

« Les dieux païens eux-mêmes, que nous ne traitons plus que de risibles images, vivent encore aujourd’hui ; ils n’ont peut-être pas toute leur puissance d’autrefois, mais ils en ont encore plus que les hommes, et je ne voudrais jamais en mal parler. »

Achim von Arnim
Les Héritiers du Majorat, trad. Théophile Gautier fils, Contes bizarres, Lévy frères éditeurs, 1856

« Les dieux païens eux-mêmes, que nous ne traitons plus que de risibles images, vivent encore aujourd’hui ; ils n’ont peut-être pas toute leur puissance d’autrefois, mais ils en ont encore plus que les hommes, et je ne voudrais jamais en mal parler. »

Achim von Arnim
Les Héritiers du Majorat, trad. Théophile Gautier fils, Contes bizarres, Lévy frères éditeurs, 1856

Arbre de Yule

 

Les dieux païens eux-mêmes, que nous ne traitons plus que de risibles images, vivent encore aujourd’hui ; ils n’ont peut-être pas toute leur puissance d’autrefois, mais ils en ont encore plus que les hommes, et je ne voudrais jamais en mal parler.
Achim von Arnim
Les Héritiers du Majorat, trad. Théophile Gautier fils, Contes bizarres

« Les dieux païens eux-mêmes, que nous ne traitons plus que de risibles images, vivent encore aujourd’hui ; ils n’ont peut-être pas toute leur puissance d’autrefois, mais ils en ont encore plus que les hommes, et je ne voudrais jamais en mal parler. »

Achim von Arnim
Les Héritiers du Majorat, trad. Théophile Gautier fils, Contes bizarres, Lévy frères éditeurs, 1856

« Les dieux païens eux-mêmes, que nous ne traitons plus que de risibles images, vivent encore aujourd’hui ; ils n’ont peut-être pas toute leur puissance d’autrefois, mais ils en ont encore plus que les hommes, et je ne voudrais jamais en mal parler. »

Achim von Arnim
Les Héritiers du Majorat, trad. Théophile Gautier fils, Contes bizarres, Lévy frères éditeurs, 1856

 

Décembre est la, amenant le solstice d’hiver, Noël et le jour de l’An. Pour le Père Noël, c’est la hotte-saison. Sa femme, dont on ne parle jamais, assure les arrières de son mari, déjouant les pièges et les embûches de Noël comme par exemple glisser sur un marron glacé.

En ce début d'hiver, le Gévaudan a frisé la catastrophe. Les rennes du Père Noël ont été frappés par la grippe aviaire quand ils sont passés au dessus du Périgord. Les pauvres cerfs, vidés, étaient pleins de fatigue. Même en donnant bouchées aux rennes, impossible qu’ils volent au vent. Il a fallu les remplacer, trouver d’autres ailés-faons pour un passage daguet. Or, il n’y a pas de rennes en Lozère, et on ne peut attendre que leur règne vienne. Que faire ? La renne de Nîmes est enfermée dans un cirque romain. On chercha un équipage original, mais il n’y avait pas d’orignal disponible. Le Roi Salomon, d’un jugement tranchant, déclara que le renne de Saba ne supportait pas le climat hivernal.


Orignal
On pensa avoir trouvé la solution en affrétant des caribous mais ils ne se déplacent qu’en imposant troupeau. La harde sauvage risquait fort d’altérer la quiétude de la douce nuit étoilée. Une alternative fut abandonnée car nécessitant trop de nourriture, le wapiti ne venant qu’en mangeant. On étudia la possibilité d’utiliser des lapins de garenne, hybrides nés d’une femelle renne et d’un gars lapin. Cette idée était bonne car elle respectait le développement du râble, mais les lapins n’allaient-ils pas être pas lessivés par la lourdeur de la tache ? Faute de cerfs volants, on faisait des hérons dans l’eau.

 Qui tirera alors le traîneau du Père Noël en Lozère ? C’est notre Bête du Gévaudan, qui ne manque ni d’élan ni d’allure. La barde gabale Gentiane, lointaine descendante d’Ápecagenos, l’a convaincue de tenir le rôle d’une biche de Noël. Elle lui a passé les rênes, faisant en sorte que ses crocs enjambent le mors sans la blesser. L’équipage, paré de gui et de houx du Gévaudan, fera une tournée mémorable non pas au milieu de la nuit, mais entre chiens et loups pour que chacun puisse la voir. Sur les toits, les petits chats devront être prudents, l’instinct de la Bête pouvant la pousser au ramonage de jeunes minets.

Hibou, caillou, chou, genou, tripou, caribou

A partir du 21 décembre jour du solstice, ce ne sont pas les clochettes pendues aux andouillers des ramures de rennes qui tinteront. C’est le son de la Bête le soir du fond des bois, une clarine d’Aubrac portée en parure, qui claironnera le début des réjouissances. Pour les cadeaux, les enfants aux abois au passage de la caravane devront être rapides, ce n’est pas le jour des lents.

Lozérix – Dix-cors hivernal d’un décor au pied-levé

Renne fatigué

samedi 5 décembre 2015

La guerre de santons


Sapin celtique

" Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent "
François René de Chateaubriand


Y aura-t-il de la crèche à noël ? Les évènements tragiques survenus en France le 13 novembre 2015 qui ont mis en évidence plusieurs dérives fondamentalistes islamistes, ont comme effets secondaires, entre autres, de revigorer l’attachement des chrétiens aux crèches de noël, même si parmi eux une grande majorité se qualifie de non-pratiquant. Ces crèches sont une représentation de la naissance de Jésus, fils d’une vierge, d’un père biologique céleste et d’un père adoptif terrestre charpentier de son état. Elles relèvent ainsi du christianisme et sont donc à l’origine étroitement liées au fait religieux. Depuis quelques années, les crèches publiques s’entrechoquent avec la laïcité montante, litanie républicaine censée apporter l’égalité des cultes. Oui mais voila, au delà de l’aspect religieux, les partisans des crèches invoquent aujourd'hui la tradition de noël, qui avec le temps aurait perdu de ses accents chrétiens pour se banaliser, devenant un moment séculier de réjouissances à base de jouets, de vieillards barbus en houppelande rouge, de chocolats et de marrons glacés, de houx et de gui. Sur les réseaux sociaux, les crèches éclosent comme jamais. Une polémique s’est même amorcée au sein de l’association des maires de France puisqu’un document préconise de ne pas installer de crèches municipales, ce qui a fâché quelques maires, devenus de fait des maires-noël. Parmi les santons, l’étonnement l’emporte. Ce regain d’intérêt d’un public jusque la atone les a surpris. Si leurs soutiens gagnent, nul doute qu’ils entonneront les cantiques de leur marathon musical des fêtes de fin d'année avec plus de ferveur que d’habitude, sur dix tons, en guise de reconnaissance.


Santons de haute-Lozère

Au Pays Gabale, ce débat ne nous touche pas. Pour nous, c’est l’arbre qui représente noël. La vénération des arbres et la décoration d’un sapin, cet arbre toujours vert et symbole de la renaissance de la vie après le solstice d’hiver, est une vieille histoire païenne et européenne sur laquelle l’église s’est contentée de superposer la date de la nativité. Les Celtes, les Grecs, les Romains pratiquaient déjà ces coutumes à cette époque de l’année. Et pour les peuples nordiques, le frêne Yggdrasil était l’arbre de vie et l’axe du monde. Le Gévaudan garde l’empreinte des croyances celtes dans sa toponymie. Les forêts et les bois portant le nom de « boulaine, ou boulène » étaient autrefois des lieux dédiés au culte du dieu Bélénos. Les trois religions du livre, religions dites révélées, l’ont été au fin fond des déserts moyens-orientaux ou ne poussent que des buissons ardents, de rares épineux et des palmiers dattiers longilignes. Elles sont peut être bonnes pour les bédouins, mais que peuvent-elles apporter aux descendants des peuples des forêts ?

Accueillante forêt lozérienne

Le grand avantage de nos temples sylvestres lozériens, c’est qu’ils sont les mêmes pour tous. Y va qui veut, il n’y a pas de prosélytisme, pas de liturgie particulière sauf celle de respecter la nature, pas d’interdits alimentaires. De ces lieux de culte forestiers, c’est la sagesse et la plénitude qui émanent. Il n’y a pas de forêt radicale, intégriste, fondamentaliste, mais des forêts d’essences qui éveillent les sens, soignent les corps ou réparent les âmes. La ou il ya des chênes il y a du plaisir, les hêtres favorisent la réflexion, hêtre ou ne pas hêtre, le sapin est bon pour l’odorat, contre les crises d’hilarité on recommande le saule pleureur, secouer un prunier combat l’état lymphatique, toucher du bois conjure le mauvais sort, les vieilles branches entretiennent l’amitié, les violents peuvent se défouler en distribuant des fruits de châtaigniers, on peut perdre son chagrin avec l'aide d'un noyer, le pin parasol protège la peau des érythèmes solaires, un seul être vous manque et tout est peuplier, le charme aide à bien se porter, la sociabilité s’exprime bien quand on est cyprès des autres, les personnes sans travail trouvent des bouleaux, les orgueilleux se couronnent de laurier, les paresseux ont plaisir à s’assoir ou se coucher sur le bois de cèdre d’un lit-banc, enfin, les gens décidés se rendent à l’endroit des six ifs. Il y a des arbres pour tous les cas. Jusqu’aux individus peu recommandables que sont les auteurs de crimes de mélèze-majesté qui tentent de se repentir sous les bois de justice.

Vieille branche - Ent de la forêt de Fangorn

De plus, et ce n’est pas négligeable en terre auvergnate ou un sou est un sou, cette forme de culte n’impose pas de sollicitation financière. Contrairement aux églises, dans la forêt il n’y a pas de tronc destiné à recevoir des oboles.

A cette heure, on ne sait qui va gagner la bataille des crèches. Si une stricte laïcité l’emporte, il n’y aura guère de santons. Mais cet éventuel noël sans santon pourrait relancer une guerre de 100 ans. C’est le moment pour les Lozériens de donner l’exemple et de se détourner d'un dieu aux abois en répondant favorablement à l’appel de la forêt qui couvre une bonne partie de la Gabalie, des Cévennes à la Margeride, de l'Aubrac au Mont Lozère. Et puis noël, c’est aussi la période des buches.

Lozérix – Guide en clairières et flèche de tout bois

samedi 21 novembre 2015

Novembre sombre, le naufrage des jours

Wyldraven - deviant art

 

Et il semblait tout à fait normal qu’on s’attaque à l’épouse et à l’enfant dont le père avait été fusillé en novembre 1917 avec ses camarades qui avaient refusé de monter à l’assaut de Perthes-les-Hurlus, dix fois repris et reperdu, où près de cent quarante mille « Poilus » étaient morts pour rien, car l’endroit n’avait aucune valeur stratégique et on ordonnait ces boucheries inutiles uniquement pour entretenir le moral de la Troupe ». La guerre était finie. Mais là, durant des mois, des années, après chaque attaque imbécile et meurtrière ordonnée de loin par le Boucher des Hurlus, on avait pu entendre hurler, non pas les loups, mais les hommes dans leur agonie entre les lignes, d’où personne ne pouvait les relever.
Jean Amila, Le boucher des Hurlus

Cinq soldats français ici reposent,
morts leurs souliers aux pieds, à la poursuite du vent,
le nom du lieu : où se fanent les roses
et, une date : il y a longtemps.
Sébastien Japrisot, Un long dimanche de fiançailles

 

 Le croassement des corbeaux est le premier signe de la désolation qui est tombée sur le pays de Lozère. Engourdis, les autres bruits ne répondent pas à cet appel lugubre, dans une aube obstinément obscure comme un crépuscule. Une lumière laiteuse oblige le jour à s’extirper péniblement de sa torpeur fiévreuse. Le brouillard s’étire en toiles pesantes, fantasmagoriques haillons tissés par de grasses araignées velues. Les arbres nus étendent leur branches décharnées, semblables à des squelettes qui perdraient goutte à goutte leur dernier sang. Pourriture et moisissure partent à l’assaut de tout ce qui survit pour l’immobiliser dans une repoussante putréfaction. A chaque recoin de village, des murs moussus suintent d’ennui et d’humidité. Le granite prend son aspect lourd et froid, transformant les demeures en d’impressionnants tombeaux, aidé par la grisaille des lauzes et des lichens, et la noirceur des basaltes.

L’air glacial retient les fumées qui ne sortent qu’à contrecœur des cheminées, étendant au ras des sols vitreux d’acres lambeaux vaporeux, mêlant au poisseux de l’atmosphère une lourdeur maladive. Des roquets efflanqués à l’haleine fétide et empestant le poil mouillé surgissent de cours délabrées, jetant aux rares passants leurs aboiements caverneux. La vue s’écorche sur les barrières de bois vermoulu écroulées et sur les barbelés rouillés qui surveillent des chemins boueux et défoncés partant se perdre vers d’inquiétantes destinations, sombres forêts et landes désertes. Dans les lieux habités, quelques improbables silhouettes aux épaules voûtées comme pour se protéger d’un environnement incertain, filent d’un pas pressé. Embusquées dans leurs longs manteaux aux cols relevés, elles se glissent dans des traverses à peine discernables sous les tristes halos lumineux pendants des lampadaires qui gardent les ruelles d’une haie de potences. Des fenêtres embuées des maisons toutes grises s’échappent des regards vides, angoissés ou craintifs, figés en d’inaudibles plaintes, avant d’être masqués par la bruine qui trouble les carreaux.

La pluie assourdit tout de battements arythmiques, tels ceux d’un cœur fatigué. Seul l’écho de l’eau dégoulinante transperce les baillons. Un silence pesant enserre peu à peu d’une camisole ce jour sordide qui s’éteint, résigné, dans l’allée des soupirs d’une sonnerie aux morts. L’obscurité de la nuit va draper dans son linceul noir d’un velours hermétique et étouffant, les impressions fugitives mais tenaces de peur instinctives, avant de faire résonner du bruit sinistre des ferrures et battants des portes d’église, le couvercle de son cercueil.



Lozérix – Cachet d’aspleen d’un novembre grippant le beau de l’air

Des arbres effeuillés, assombris par novembre, tendent leurs implorantes branches amaigries vers le ciel,
quémandant en une lancinante mais vaine prière un peu de chaleur et de lumière au Dieu Soleil, divinité vaincue
Crédit photo : Lozère Sauvage
Cliché pris dans la forêt du Goulet durant l'automne

La page Lozère Sauvage  expose de nombreuses photos de Lozère. Les choix des sujets et le travail du photographe sont remarquables. Les différents paysages qu'offre la Lozère s’en trouvent sublimés.