samedi 25 avril 2015

Les médiévales du Malzieu

Affiche officielle de l'édition 2015
15, 16 et 17 mai 2015

Pour la 4e fois, l'ost, des mercenaires, des soldats, des chevaliers, des fantassins, des archers, des troubadours, des artificiers, et qui sait peut être aussi des écorcheurs, des lansquenets et des troupes de rouleurs, des anglais en heaume sweet heaume, tous vont débarquer en Margeride pour la grande baston hébergée au Malzieu. Chacun fourbi ses armes, les épées s'affutent et les armures murissent, les casques caquettent, les arbalètes s’apprêtent et les lances s'enlacent en faisceaux. Les effrontés son prêts à fondre sur la ville et prendre les murailles d'assaut.

Qui se souvient aujourd'hui que l’étymologie du nom Malzieu vient d’une forme ancienne du pluriel de mauvais œil. Ceci car dans des temps très reculés, l’endroit était le lieu de rencontre des ovates, bardes et druides de la région. Ces prêtres, guérisseurs, sages, poètes, érudits ou chamans y tenaient réunion à chaque année nouvelle, lors de la fête de Beltaine, le début du printemps chez les Celtes. Y venaient, entre autres, des représentants des tribus arvernes, vellaves, ruthènes, gabales. Ápecagenos-le-Gabale qui avait sa clairière assez proche, à Chassignoles, y a longtemps représenté nos ancêtres lozériens.

Ces druides jouissaient d’un grand prestige et avaient, de par leurs connaissances étendues dans de nombreux domaines, une grande influence sur la vie sociale et politique. Il était donc primordial pour les premiers missionnaires chrétiens en charge de l’évangélisation de contrer leur pouvoir. Ceux-ci décidèrent de mettre un coup de pied aux cultes païens. Et quoi de plus simple que de changer leurs clergés en sorciers, mages et autres nécromants, à qui on prêterait des pouvoirs surnaturels, la pratique de sacrifices humains et une adoration du diable. Ainsi rebaptisés, les druides dégageaient une forte odeur de souffre et la prudence, condition de leur survie à moins de passer sur le bucher, leur recommanda de disparaître et de se faire oublier du nouvel ordre religieux. En conséquence, Le Malzieu, originellement lieu de rendez-vous de personnages savants et cultivés, prit ainsi une nouvelle notoriété, celle d’avoir abrité les agissements coupables de ces enchanteurs, magie noire, sorcellerie, envoutements et autres agissements sabbatiques, sataniques, peu sympathiques et porteurs des mauvais œils, ou « mals yeux ».

Menhir de Pinjo Chabre - photo LX

On trouve également à proximité du Malzieu plusieurs traces de la civilisation mégalithique qui a marqué la Lozère, les menhirs de Pinjo Chabre à Mazeirac et le Pouor Negro de Jullianges. Ces pierres, levées il y a plusieurs millénaires, inspiraient elles aussi des cultes liés à la fécondité, réprouvés par le christianisme. Et comment ne pas citer, dominant les gorges de la Truyère, un effondrement de rochers, connu comme la porte des fées, dont la légende prétend qu’une jeune fille qui la passe à minuit, sous la pleine lune, se mariera dans l’année. Abominable pratique païenne qu’il convenait d’éradiquer.

La porte des fées - photo LX
Ce magnifique village fortifié traina longtemps cette injuste et injustifiée renommée. La présence, entre les années 1764 et 1767, dans les environs immédiats du Malzieu, de Jean Chastel, personnage central de l’affaire dite de la « bête du Gévaudan », individu particulièrement louche et à la conduite extrêmement suspecte, a contribué à la raviver quelques temps.

 
Dans ce costume, tu tombes, tu es mort ! Ouvre-boite obligatoire pour l'enlever
Médiévales 2013 - photo LX

Ripailles, médiévales 2013 - photo LX
Le nom resta mais fort heureusement l'histoire de ses origines tomba peu à peu dans l’oubli, ce qui n’est que justice car elle était absolument imméritée. Aujourd’hui Le Malzieu est un endroit unique en Lozère, une petite Carcassonne-en-Margeride, riche d’une architecture multiséculaire et préservée. Un lieu idéal pour y célébrer des médiévales, avec force ripailles, combats, tavernes, ribaudes, le tout au rythme des luths, vielles à roue, cabrettes et sacqueboutes. Fortes du succès et de l’expérience engrangés lors des éditions précédentes, les médiévales du Malzieu sont un rendez-vous festif et culturel incontournable du moi de mai lozérien.

Tout est bon dans le cochon : c'est un esthète de l'art
Médiévales 2013 - photo LX
Le luth (électrique) final, médiévales 2013 - photo LX

Site officiel

Lozérix - Moyen-âge de déraison et baston de berger 

samedi 18 avril 2015

L'enceinte de Margeride

Saint Denis en Margeride - vue générale
Cette chronique relate l’arrivée brutale des lutéciens en haute-Lozère, et la bataille qui les opposa à Denis. Denis était, en 75 après JC, le vergobret d’une population à peine romanisée qui vivait  selon les lois, us et coutumes gabales. Avec cette très faible présence romaine, les tribus gauloises Gabales, Vellaves, Ruthènes, et Arvernes vivaient en harmonie d’autant plus facilement qu’elles avaient toujours été alliées, notamment dans la résistance fédérée par Vercingétorix. Tout allait donc bien lorsqu’une bande de Parisii dirigée par le petit-fils de Camulogénos déboula pleine d'entrain et sans crier gare. Ces Lutéciens, chassés de leurs plaines entourant la Seine par d’avides centurions romains, pensaient pouvoir s’établir sur les marches du nord de la Gabalie où beaucoup avaient des ascendants. Il y eu conflit. Supérieurs en nombre mais moins à l’aise dans l’art de la guerre, les Lutéciens et autres Senones préfèrent assiéger le village défendu aprement par Denis et ses quelques dizaines d’hommes, plutôt que de livrer bataille. C’est l’origine de l’expression « la Seine ceint Denis ». En 93 après JC, Denis, guerrier et paysan plus païen que chrétien, fut même canonisé pour sa courageuse résistance aux envahisseurs. Ces derniers, car appuyés par des mercenaires germains, gagnèrent à cette occasion le sobriquet péjoratif de Parisigoths. Le recrutement de supplétifs étrangers était une pratique unanimement réprouvée par les autres peuples de la Gaule et par toutes les tribus celtes qui ne s'alliaient qu'entre elles. Malgré leurs tentatives de dénégation, les Parisii furent bien obligés de reconnaitre les faits. Il fallait que le déni de goths cesse.

Mercenaires goths - Enluminure du IXe siècle
attribuée au moine copiste Uderzo de Fismes

Néanmoins, la canonisation de Denis, et donc l’arrivée en scène de Saint Denis en 93 reste un fait non compilé dans les archives écrites. L’origine du toponyme du village est militaire. Par la stratégie de siège choisie par les Parissii, Denis s’est trouvé ceint, c'est-à-dire encerclé par les ennemis. Mais une fois encore, le rouleau compresseur de la christianisation a écrasé la réalité. Soucieuse de se doter de nouveaux héros locaux, la jeune église chrétienne les enrôlait de force dans son annuaire de la sainteté. La vérité, plus pragmatique, révèle que c'est la typologie de la bataille qui est à l'origine du surnom le ceint Denis. Le surnom était systématique à cette époque, avant l’apparition du nom de famille. Ce qui donnera Monsieur Ceint Denis avec l’état civil moderne.Le village devrait donc s’appeler aujourd’hui Ceint Denis en Margeride, avec pour gentilé les Deniceints et les Deniceintes.

La pyramide en porte à faux qui domine Saint Denis en Margeride
Denis fut enterré sous la célèbre pyramide en porte à faux(1) de Saint Denis en Margeride, ainsi dénommée non pas pour ses penchants, mais car les pierres la constituant ont été apportées des Faux, autre village situé à 17 km.

Lozérix - Ceint d'esprit et phare à hommes



1 : Sur la pyramide en porte à faux de Saint Denis en Margeride
Site de la Dreal LR

samedi 4 avril 2015

Menhirs des Bondons, le mystère déterré


Menhir de Colobrières
Cham des Bondons
Lozère
Photo Bruno Marc
Sur la cham des Bondons les menhirs abondent. Ils poussent sur des tapis d’ample mousse, tels de majestueux phallus de pierre ou d’impudiques champignons minéraux, dressant vers le ciel leur arrogante silhouette verticale, brisant ainsi l’harmonie d’un monde horizontal. Ils sont semblables au poing dressé du révolutionnaire menaçant, ou du mécréant revendicatif qui défie ses propres dieux. Leurs masses droites alignées sur les sommets paraissent être des symboles d’éternité. Celles semées sur les pentes sont des victoires remportées sur les éléments, l’équilibre ou les lois de la physique.

On voit à travers ces blocs dressés bien des choses, et ce alors que la transparence n’est pas la vertu première du granite. Sont-ils des jalons géologiques censés suivre des lignes telluriques ? Sont-ils des balises délimitant des zones d’atterrissage terrestres pour de spacieux engins spatiaux, venus d’au delà de la voute céleste, ayant traversée la voie lactée et la constellation de la vache d’Aubrac pour vérifier si la terre était effectivement bleue comme une orange et si leurs occupants, les petits hommes verts, pouvaient envisager d’y voir la vie en rose. Sont-ils des repères de croyances solaires ou lunaires, déplacés on ne sait trop comment il y a 5000 ans par les indigènes d’alors, soucieux d’honorer leurs divinités mystérieuses et de se relier à leurs panthéons méconnus par ces cristallines émergences, appeaux du culte et voies des seigneurs pour émettre d’impénétrables secrets dans l’immensité du tabernacle du massif du Lozère. Sont-ils la version massive, centrale et brute des ziggourats d’Ur, des minarets d’or de la Koutoubia ou des tours d’argent de Sodome et Gomorrhe ? Sont-ils des montjoies érigés dans des temps plus récents pour guider les transhumances bovines, ovines ou celles d’humains avinés perdus le long de la lande ? Sont-ils des limites de territoires ? Sont-ce des quilles laissées sur place par la doublette Gargantua et Grandgousier, héros de Rabelais, après une partie d’un jeu qui, même à la lyonnaise, fut une suite d’incroyables tricheries quant à la distance autorisée par la fédération et celle pratiquée par les joueurs.

Transhumance ovine à Fontpadelle - Lozère
Avant de dire ce que sont réellement les menhirs, il faut revenir sur la signification de ce mot à la terminologie si peu occitane. Elle viendrait du breton « men » pour pierre et « hir » pour dressé donc, littéralement pierre dressée. Certes, mais cela peut venir aussi de menire, de l’anglo-saxon « man » pluriel « men » pour hommes et « ire » du latin ira pour courroux ou colère. On aurait donc à faire à des hommes en colère. Or, il se trouve que dans le hameau de Fontpadelle vivait (et vit toujours) une famille La Hire. Elle est issue de la lignée d’Etienne de Vignolles, compagnon de Jeanne d’Arc, plus connu sous le sobriquet de La Hire. Personnage coléreux, toujours en rogne car il ne pouvait amadouer son sot briquet à amadou qui ne fonctionnait jamais, et qu’il avait toujours grand mal à allumer le calumet qui lui servait d’amulette. Il n’eut pas d’enfant légitime mais plusieurs bâtards, dont l’un avec une anglaise séduite lors du siège d’Harfleur qu’il fit la fleur au tromblon et qu’il perdit. Si le siège d’Harfleur fut un échec, celui de l’anglaise fut vite assis et fructueux, emporté, vent debout, par la fougue de La Hire. Un rejeton naquit par ce siège. Il avait tant les traits de son géniteur que ce denier, malgré l’absence de lignage, lui donna son nom. C’est ce La Hire, Stéphane de son prénom, qui vint s’installer en Gévaudan, à Fontpadelle, vers 1470.

Etienne de Vignolles dit La Hire
compagnon de Jehanne d'Arc
au siège d'Orléans en 1429
Enluminure de Loïc Sécheresse, XXe siècle
Il avait hérité de son père le caractère ombrageux, irritable et colérique. De sa mère il tenait un accent britannique à couper au Laguiole. A cause de ce double héritage, les gens de Fontpadelle eurent tôt fait de remplacer son nom d’état civil par une appellation plus en adéquation avec son caractère. La Hire devint Man Hire puis Menhir, par une altération de prononciation due à l’accent auvergnat de la région. Ce pseudonyme restera à jamais accolé à sa famille, corroborant la deuxième hypothèse quant à l’origine du mot « menhir » dans la région. Menhir s’était établit à Fontpadelle riche de quelques pièces d’or lui venant de son père. Il put acheter plusieurs arpents de terre, d’où sortirait plus tard un serpent de mer. Situées sur les flancs du mont Lozère, ces terres étaient couvertes de blocs erratiques oubliés par les glaciers du dernier âge de glace. En 1700, ces hérétiques morènes contrariaient fort Armand « Menhir » descendant de Stéphane, dans ses projets d’agriculture. Il les enleva donc de ses parcelles et alla les déposer un peu partout dans le pourtour de sa propriété. L’entreprise était de taille vu les pierres ! Pour cela, il fit appel à son cousin, Philippe de La Hire (1640 – 1718), astronome et mathématicien et découvreur d’un mécanisme qui porte son nom : « la droite de La Hire ». Il s’agit d’un hypocycloïde à deux rebroussements, obtenue par roulement d'un cercle dans un cercle de rayon double, et qui se réduit à un vulgaire, mais utile, segment de droite. Grace à cet ingénieux stratagème, le déplacement des blocs de granite des sols d’Armand ne souleva pas de difficulté.

Alignement de menhirs - Cham des Bondons, Lozère
L’histoire aurait pu en rester la, sans mystère ou kabbale sur cette terre Gabale, si les indépendantistes gabalitains ne s’en était pas mêlé. Si l’existence de cette tendance a été officialisée en 1976, de fait, le mouvement autonomiste existait depuis déjà des lustres. On peut raisonnablement penser que l’histoire de ce canidé qui ridiculisa longtemps le roi de France, ses dragons, ses chasseurs, ses lieutenant de louvèterie et autre sbires, et dont l’Europe entière se gaussa des tours joués à l’autorité royale, absolue et parisienne entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767, fut la première action menée par la mouvance indépendantiste lozero-gabalitaine. Bien après ses aventures lupines, dans les années 1940, d’autres loups, bien moins sympathiques, beaucoup plus bipédiques, vert-de-gris et venant de Germanie, sont entrés dans Paris. Pire, ils sont aussi entrés en Gévaudan. Refusant déjà de vivre sous le joug liberticide et réducteur des occupants jacobins et parigots, les humeurs chauvines, nationalistes et éprises de libertés de nos soldats de l’autonomie ne pouvaient tolérer sur le sol sacré de la patrie, les bottes lourdes et oppressantes d’autres goths, ces teutons tétant les transes tribales d’une créature en fureur, moustachue et sournoise, qui rêvait de soumettre l’Europe entière à sa folie pour mille ans. Les combattants lozériens passèrent donc quelques années dans les maquis et participèrent activement au raccompagnement des aryens dans l’arène de leur Rhénanie natale.

A la fin du conflit, une question se posa : que faire des armes utilisées pendant la Résistance ? Le nouveau pouvoir installé à Paris prétendait toujours à sa souveraineté sur les cimes, les vallées et les causses gabales. La lutte finale était à venir, il fallait donc dissimuler l’arsenal. Et la, un combattant qui avait le nez creux, eut, au pied levé, la tête traversée par une idée géniale. Il proposa d’enterrer les armes sous les blocs de granite qui, quelques centaines d’années avant, avaient été disséminés de-ci delà. Eu égard à la disproportion entre le nombre d’armes à cacher, inférieur au nombre de rocs disponibles, comment ne pas se fourvoyer en cas de besoin, entre ceux sous lesquels dormaient les matériels de guerre et ceux qui n’abritaient que d’innocents lombrics. La solution était toute simple. Pour se rappeler sous quel bloc les armes étaient cachées, on laisserait le dit bloc debout. Costauds et nombreux, les vaillants lozériens vinrent facilement à bout de la non-erectibilité naturelle des roches.

Redressement d'un menhir
Ainsi naquit la légende des menhirs de la Cham des Bondons. Ils ne sont en fait que des sémaphores devant guider les corps-francs de la souveraineté lozérienne, au matin du grand soir de l’Armageddon parisien, vers leurs glaives vengeurs. Bien sur, on mesure la peine faite aux tenants de la théorie officielle, qui fait de la Cham des Bondons la deuxième concentration de menhirs en France après Carnac en Bretagne. On regrette la tristesse infligée aux archéologues et aux autochtones qui voient ainsi un pan de leur histoire s’effondrer, eux qui croyaient que leur patrimoine était glorieux des traces d’une civilisation brillante, qui, avant les pyramides d’Egypte, avait été capable de déplacer des masses considérables, de développer une cosmogonie cohérente et d’en laisser des traces qui feraient parler d’elle pendant encore des millénaires. L’Histoire est injuste.

Lozérix - Chant de pierre et pignon de champ


Notes :
Sur l’importance archéologique de la Cham des Bondons
Site Mes Cévennes
Répertoire mégalithique de Bruno Marc
Sur la carrière de menhirs de Fontpadelle
Répertoire mégalithique de Bruno Marc
Sur la droite de La Hire
Site de Robert Ferréol




Les Bretons, tout aussi pragmatiques que les Lozériens, ont leur propre explication sur les menhirs