mardi 16 février 2016

La Lozère dans la peau

Étendard gabale



La patrie, c'est toutes les promenades qu'on peut faire à pied autour de son village
Jules Renard


 

L'État souverain du Gévaudan, aussi dénommé République royale de Gabalie, est de plus en plus saisi de demandes émanant d’individus allogènes souhaitant acquérir la nationalité gabalitaine. Au vu des proportions grandissantes de cette situation un petit rappel s'impose, d’autant que ces quêtes de nationalité s’accompagnent de rumeurs inquiétantes entendues par nos yeux ébahis sur la circulation sous le manteau de mystérieux « titres de lozérianité », établis par d’improbables et officieuses officines offshores offusquant la probité de règle en pays gabale. Il s’agit donc d’ouvrir grand le manteau à la face du monde afin qu’apparaisse la voie de déraison pipée par des bandes de faussaires.

Cagoulards complotant contre la Lozère

La lozérianité, c'est-à-dire le patrimoine génétique des lozériens, lequel est caractérisé par la présence du chromosome 48, se transmet uniquement par hérédité. Elle est donc exclusivement physique et ne peut être « de papier ». Toute production de « titre de lozérianité », concept relevant de l’irrationalité, découle donc d’activités falsificatrices délictueuses et de trafics frauduleux au profit de criminels apatrides dont nous dénoncerons sans relâche les infâmes projets ayant en point de mire la dissolution du Gévaudan. Les allogènes désormais éclairés prendront garde de ne pas se faire les victimes d’individus peu scrupuleux, voire les complices passifs de complots lâchement ourdis dans des hôtels borgnes par d’obscurs conjurés kukluklanesques à la vue basse et aveuglés d’envie, dont les yeux chassieux trahissent les visées lamentablement impérialistes et dont le regard torve louche avec une indécente concupiscence sur notre territoire et ses richesses. Tôt ou tard ces malfaisants seront mis en garde-à-vue avant d’être jetés en cul de basse-fosse dans les châteaux de Montialoux ou du Tournel.

Le Chateau du Tournel - Saint Julien du Tournel (Lozère)
Cliché d'Ancalagon - Wikipedia

Un allogène peut légalement obtenir un certificat établissant sa qualité de lozérois. Après une période concluante de résidence sur le territoire, l’échéance de nationalité est envisageable. Celle-ci permet au titulaire de vivre et travailler au pays, prélever en saison un petit quota mycologique et être inscrit au rôle des contributions dont il devra s’acquitter en contrepartie de l’hospitalité généreusement accordée. Pour cela l'étranger demandeur doit passer quelques épreuves probatoires avant de prêter un serment solennel sur l’étendard gabale. Ces formalités consistent pour le candidat en une immersion baptismale dans la culture lozérienne. Attention, il ne s’agit pas d’accommodements raisonnables ou d’intégration. On parle d’une assimilation pure et simple, totale et complète. Au cours d’une journée, il lui faudra avaler 50 centimètres de saucisse sèche, 10 manouls (ou tripoux), 1 sac d'os, 6 pélardons, 500g d’aligot, vider quelques décilitres de vin des gorges du Tarn, de thé d’Aubrac, d’eau de vie de mure ou de framboise. Il devra pécher à la main quelques truites aux yeux vairons, rattraper un lièvre à la course, capturer un sanglier au lasso, relever un menhir des Bondons qui n'est pas une simple forme alitée, et ouvrir au Laguiole quelques moules perlières de la Truyère*. Au terme de ce petit examen, il sera procédé au tatouage au bleu de myrtilles et brou de noix d’un cachet d’identité sur la fesse droite de l’impétrant, certifiant son allégeance. Le nouveau lozérois dermatologiquement intronisé aura ainsi ses papiers toujours sur lui et pourra les présenter fièrement à chaque requête ou contrôle.

Cachet d'identité

Si cette marque de reconnaissance évite à l’aspirant l’infamie de l’apatridie, ça n’en fait quand même pas un lozérien** de souche. Il ne faut pas pousser mémé dans les orties. Ceci étant dit pour répondre à la questions sous-jacente au magnifique texte qui précède, et qui est non pas « qui est lozérien ? », mais « qu’est-ce qu’être lozérien ? »

Lozérix – Officier au changement d’état si vil



* : « Sur la partie lozérienne de la Truyère, la moule perlière est présente de façon quasi continue jusqu’à la hauteur de St Alban sur Limagnole. Sur son parcours sans barrage, dans le Cantal et en Lozère, elle abrite donc une importante population de l’ordre d’au moins plusieurs milliers d’individus sur plusieurs dizaines de kilomètres ». Gilbert Cochet, Etat de l’art de la Moule perlière –. Dans le cadre de l’élaboration des sites Natura 2000 « Rivières à Moules perlières » (FR83301094), Novembre 2010. http://www.auvergne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/etat_art_moule_V4_cle249aaa.pdf 

** : Lozérien est entendu ici comme synonyme de gabalitain. A la différence de ce terme, lozérien ne recouvre pas la totalité de la population indigène. En effet, les Saugains, habitants de Saugues dans l’actuelle Haute-Loire, sont aussi des gabalitains, comme les habitants des quelques cantons dont le Gévaudan a été amputé en 1790.

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