samedi 22 juillet 2017

Via McDoLorosa - II



La vie est une espèce de restaurant coûteux où l'on finit toujours par vous remettre l'addition, sans qu'il faille pour autant renier ce qu'on a savouré avec bonheur ou plaisir.
Arturo Perez-Reverte, Le Tableau du Maître flamand





Chronique de l'arrivée du clown Ronald en pays gabale, qui débute en l'an de grâce 2003.

I - Le projet

II - Un défi à la Lozérianité

L’installation d’un Mc Do en Lozère est un défi à la lozérianité. Les choses peuvent se passer de plusieurs manières. Il y a tout d’abord les actions légales qui vont être entreprises par les fils naturels de Dominique Voynet et du géant vert et consorts. Peu de chances de ce côté là, les lois françaises qui s’appliquent (pour le moment) en Gévaudan permettent à qui le veut d’ouvrir commerce là où il le désire. Il se peut aussi que suivant l’exemple de nos voisins Ruthènes d’Aveyron, le fast-food soit démonté. Le colosse de Rodez pourra à cette occasion prêter main forte. Solution peu adéquate à moyen terme quand on constate que par une perverse publicité, c’est l’effet inverse à celui escompté qui se réalise. Le Mc Do de Millau est devenu un lieu touristique, et les démonteurs, très remontés, ont été descendus en cul de basse-fosse.

Quand l'irrespect publicitaire confine au crime de lèse-nourriture

Par contre, un phénomène intéressant peu se produire, mais dans deux sens radicalement opposés. Soit la Lozère se Mcdonaldise (schéma classique), soit, (hypothèse idéale), c’est le Mc Do qui se lozérianise, chose qui m’a t-on dit se voie dans quelques pays. Dans ce dernier cas, face à un sentiment culturel très fort des autochtones, l’exploitant exploiteur du fast-food doit s’adapter aux goûts locaux en proposant des mets traditionnels. La population lozérienne peut ainsi boycotter les produits de Ronald Fuck, jusqu’à ce que celui-ci instille au coté de ses menus globalisés, un menu gabalisé avec un choix de quelques plats basés sur des recettes locales et élaborés avec des produits du terroir eux-mêmes issus de l’activité gabale des agriculteurs, éleveurs, cuisiniers etc. La gabalisation est donc une intéressante alternative à la globalisation, profitable aux palais, estomacs et acteurs économiques locaux. Nous pourrions ainsi avoir des sandouiches de pain de seigle et non l’insipide petit cône, de l’aligot à la place du cheddar, de l’onglet ou aloyau d’Aubrac en guise de steak, des lentilles et non plus des potatoes (prononcer poteïtozeu), des tulipes à la crème de marrons remplaçant les brownies etc.

La dernière mesure, peut être la plus symbolique est d’accorder le nom du fast-food au terroir d’accueil afin de ne pas ternir le sol de celui-ci. Ainsi en Gévaudan, Mac Donald devrait être rebaptisé Mac Anourgue, ce qui donnerait une touche géographique locale, Mac Ereau à Marseille ou Mac Abanne au Canada.

De toutes façons, ne nous y trompons pas, la restauration rapide est un signe évident de modernité dans ce qu'elle peut avoir de plus pervers comme effets secondaires. Les quantités écoulées imposent une production toujours plus importante et plus rapide. Pour répondre à la demande, l’agroalimentaire a par exemple modernisé les vaches en en les rendant carnivores, folie qu’il leur a mis un pis dans la tombe.Ce qu’on appelle aller de mal en pis.

Contre l'installation de Ronald, certains ont tenté le démontage.
Bataille médiatique gagnée mais guerre perdue.
Amer, le Maire de Mende s’émouvait d’une levée de boucliers provoquée par l’éventuelle installation d’un distributeur rapide de nourriture (traduction littérale) sur sa commune. Il terminait son propos dans le journal local par le slogan : « il est interdit d’interdire ».  Le devoir d’un maire est de se conduire comme un bon père de famille envers ses administrés. Force est de constater que dans les populations soumises à la tentation du menu hamburger, beaucoup d’administrés deviennent sanitairement sinistrés. Un maire, à fortiori médecin, ne doit-il pas protéger ses ouailles, comme une mère protège ses enfants des risques encourus pour la santé. Même s’il est des mères qui amènent leur progéniture dans ces lieux à la cuisine peu amène où mauvaise alimentation et obésité font la paire.

Plutôt que de jouer la santé publique à la roulette russe comme cela se fait à la Tsar-académie et pour éviter de commettre un impair, le Maire aurait pu donner des repères alimentaires élémentaires, comme le fait son confrère le cher Docteur Watson. Au lieu de ça, il se fourvoie dans une rengaine incroyable aux relents libertaires. Avouez qu’appliquer l’interdiction d’interdire, vieux slogan de 1968, à un symbole du libéralisme contemporain, c’est un peu fort de coffee. Bakounine, Louise Michel et Auguste Blanqui, du fond de leurs tombes vont avoir du mal à avaler ces salades. L’anarchie culinaire, c’est la soupe populaire par souci des miséreux. La distribution, payante et chère de chère pas bonne, c’est en quelque sorte nous refaire le coup de l’auberge de Peyrebelle, repaire où le consommateur appâté finissait en chair à pâté. Mais l’impair est malléable. Il est toujours temps que le Maire démêle le bon grain de l’ivraie. Il est vrai que le bon train de la modernité pour le Gévaudan ne peut passer que par la gare de la Saine Nourriture Certifiée Fraîche et non pas dans le gain facile d’amères thunes poussant sur une jachère gastronomique. Il ne s’agit pas de tomber dans un sectarisme qui ne s’amarrerait qu’à une nourriture gabalement cachère car l’amarre est chère, mais il ne faut pas non plus sacrifier l’agneau de Dieu sur l’autel des ventes, et il n’y a que du bœuf dans les hamburgers. Si le temps du veau d’or s’abat sur la Lozère, on va être dans la mouïse.

Ceci dit, la formulation choisie semble surtout relever d’un verbal effet Maire. Souhaitons que ces projets restent aussi chimériques qu’éphémères. Sinon, que diront les générations futures du Maire d’alors ?

Lozérix – En chair et en hausse

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samedi 1 juillet 2017

Via McDolorosa - I

Le hamburger, un produit méconnu,
et qui ne gagne pas à l'être !



" - C'est quoi ce petit goût dans la sauce ?
- C'est le mélange du fenouil avec le jus d'oursin. "
Etienne Chatiliez, dialogues du film Le bonheur est dans le pré





L'élection d'un Donald à la tête des États-Unis d'Amérique en 2016 me rappelle que l'installation d'un autre palmipède d'outre-atlantique tout aussi nuisible, en Lozère cette fois-ci, dans sa capitale qu'est la bonne ville de Mende, ne fut pas un long fleuve tranquille. Voici donc relatée la chronique de l'arrivée du clown Ronald en pays gabale, qui débute en l'an de grâce 2003.

I. Le projet

Depuis la nuit des temps de l’aventure humaine, à peine fini le crépuscule de la préhistoire notifié par la maîtrise du feu par l’Homme, (face au nombre d’hectares qui partent en fumée chaque été, peut-on parler de maîtrise ?), à l’aube de la civilisation et dés l’aurore de son histoire, le Gévaudan a été menacé ou mis à mal par une succession d’envahisseurs aux attitudes plus ou moins néfastes. Nous avons vu passer les Romains, les Sarrasins et les Maures, les Vandales, les Wisigoths, les Ostrogoths, les Parigoths, les Huns et les Zôtres, des Anglais, des Prussiens ou encore des Allemands, et depuis peu un nombre croissant de colons dont la richesse, si elle alimente l’escarcelle de quelques mercantis, commence à pénaliser les paysans et ruinera à court terme notre identité.

L'envahisseur est présent partout, avec des taux d'occupation variés

Aujourd’hui, une nouvelle attaque est lancée (Midi Libre du 16-09-2003). D’une manière plus insidieuse, « on » s’attaque aux fondements historiques et culturels de notre patrimoine, en portant ombrage d’une simple présence aux piliers culinaires qui soutiennent avec orgueil le fronton gastronomique du terroir lozérien. Cette offensive est ourdie avec leur délicatesse coutumière par les arrogants cow-boys d’outre atlantique menés par une caricature clownesque qui va jusqu’à usurper le nom d’un prestigieux clan écossais, mais qui loin de s’adonner au noble maniement de la claymore, fend l’air en tranches grasses d’une vulgaire raclette à retourner les steaks hachés. Clown comique ou clown triste, auguste ou pantomime ? Rira t-on de ses clowneries ou pleurera t-on la fin d’une spécificité locale.

Car « il » envisage de s’installer à Mende. La Lozère perdra de ce fait son enviable statut de village résistant encore et toujours à l’envahisseur et de dernier département français encore épargné par la présence d’un débiteur d’ersatz à vocation nourricière souvent dénommé male-bouffe. Male-bouffe comme on dit male-bête, male-peyre, male-peste, males-aïgues et tout ce qui est réputé investi par le Malin comme les bègues qui en sont souvent victimes, frappés de male-diction. Par contre, quand on parle de male-poste, il s’agit bien du véhicule du préposé des PTT. Cette liste qui effleure du mal résonne avec raison comme une oraison funèbre et un chant d’oiseau de malheur.

Mende, place de la république (photo Wikipédia)

Fichée en terre gabale comme un étendard de légion romaine, cette enseigne M – « M le maudit » dirait Fritz Lang - ne sera t-elle pas comme un harpon dans la chair d’un cachalot, comme une banderille dans l’échine d’un taureau déclaré de combat sans qu’il ait pu donner son avis, ou comme le bec de l’aigle dans le foie de Prométhée. Les consommateurs, surtout les plus jeunes, mal-armés - comme Stéphane - pour résister aux effets de mode, vont être dans une position similaire à celle du bovin dans l'arène. Tout d’abord, par de savantes passes de muleta, il seront gavés d’effets d’annonces publicitaires alléchantes sur les prix, la rapidité, la convivialité, les jeux pour enfants, le service au volant et autres poudre aux yeux. Les premières banderilles seront posées par la qualité réelle des ingrédients, aliments reconstitués, sodas ou le sucre le dispute aux colorants et sauces aux arômes artificiels. Et comme partout, l’estocade sera portée contre les petits établissements traditionnels plus lourdement taxés par cette tévéha qui est élastique comme du caoutchouc.

Les papilles qui vrillent sous les saveurs qui embaument les plats coutumiers résisteront-elles à l’humus culinaire ? Des effets secondaires surprenants sont déjà visibles dans un pays ou la male-bouffe est très répandue : enfants mutants aux immenses oreilles rondes et noires et adultes obèses qui sous l’effet de la colère deviennent énormes et verts. Tous souffrent de graves altérations psychiques les poussant à des conduites agressives et impérialistes, s’accompagnant de troubles visuels au cours desquels le malade voit le monde à travers une bannière étoilée avec des pays manichéenement répartis de part et d’autre d’un axe du mal. C’est aussi la-bas qu’on effrite les traditions culinaires en rebaptisant les french fries en freedom fries sous prétexte de non-allégeance à une expédition guerrière néo-colonialiste aux forts relents pétroliers. A ce sujet n’oublions pas les paroles du prophète Saint Malachie : « bien mal acquis ne profite jamais » !

Le régime Mc Donald de fait pas rire !

Rappelons que de nombreuses voix s’élèvent et que certains vont jusqu’à « le » voir comme le symbole du mal-manger, du mal-boire et d’une société de consommation qui malmène l’individu. En Lozère, cette alerte au mal y bout, et on brame car y bout aussi un multiséculaire folklore de boustifaille. Au pays du jambon de montagne, saucisse sèche, daubes, civets, gibier, aligot, truites, champignons, pâtés, fruits des bois, charcuteries, fricandeau, bœuf d’Aubrac, agneau caussenard, poulets, canards et lapins fermiers, tripoux, manouls, sac d’os, coupétade, châtaignes, légumes, fromages, où tout pousse et s’élève à part peut être les bananes, les mangues, les ornithorynques, l'igname, la perche du Nil ou la caille de Patagonie, le débarquement du mal-axé n’est-il pas malvenu, maladroit, mal-à-propos et relevant du malentendu.

Le mâle Éole serait bien inspiré d’éventer ces projets et de les souffler en expirant vers des cieux moins authentiques. Quant à l’enseigne plantée, elle servira de toutes façons à la Bête du Gévaudan qui lèvera à son encontre une patte arrière intéressée.

Lozérix - Aux gémonies soit qui mal y pense