samedi 28 octobre 2017

Au pied levé, Samain reprend la main


Terrassements sur la colline de Ward (Tlachtga)
  associés à la fête celtique de Samhain.
Comté de Meath, Irlande - 2015


Mais les dieux ne meurent pas. Quand le temps de leur puissance s'achève, ils se retirent en des lieux secrets ou se transforment en des phénomènes naturels qui leur permettent d'être présents sans qu'on les reconnaisse.
René Barjavel, L'enchanteur




La version contemporaine d'Halloween est mercantile et américaine, mais son origine est celtique, européenne et païenne. La nuit du 31 octobre était pour les Celtes, et donc nos ancêtres les Gabales, la nuit du nouvel an. Cette nuit de Samain (1)  qui marquait l’année nouvelle, était un moment de rencontre entre les vivants et les morts qui pouvaient quitter le Sidh (2), après quoi tout ce beau monde festoyait autour d’un de ces fameux banquets celtes dont l’ampleur a été archéologiquement révélée par la taille des chaudrons. Après l’avènement du culte du marcheur sur l’eau, un fils de charpentier qui finira cloué sur sa matière première, le dieu Kernunos (3), à cause de ses bois de cerf et de sa propension à conduire d’orgiaques bacchanales, a été arrêté, jugé et déclaré coupable d’être le Diable – personnage cornu préposé à l’entretien du chauffage central chez les chrétiens - et condamné à s’immerger sous terre, en un lieu nommé enfer.


Or, cet espace peuplé d'individus peu recommandables ne se révéla pas être un endroit nickel, ce qui fit dire à Kernunos que l'enfer c'est les autres. Il n’y a même pas un zinc ou prendre un pot et de toute façon l’argent n’y a pas cours. Les platines infernales ne diffusent que des orchestres de cuivre jouant des airs baroques sur tout laiton. La seule occupation est d’aller au charbon pour l’entretien des feux et la surveillance du mercure indiquant la température. Du mercure au chrome il n’y a qu’un pas et ce chrome, synonyme de malchance, est ici bas exprimée par l’absence totale de pause, même pour couler un bronze. Son acolyte, la déesse Keridwen (4) fut quant à elle déclarée coupable d’incitation à la débauche, exercice illégal de la médecine, délivrance de médicaments sans présentation d’ordonnance et production illégale de produits spiritueux et alcoolisés, délit aggravé de vente aux mineurs. Keridwen et Kernunos protestèrent avec véhémence mais leurs juges trouvant leurs plaintes sans fondements, restèrent sourds à ces cris sans thèmes. La rupture des cordes vocales et une migraine carabinée furent les maux de hurlements qui affligèrent nos dieux païens.


Quant aux citrouilles omniprésentes pendant Halloween, elles sont une réminiscence de la mésaventure d’un certain Jack, un Irlandais particulièrement irrespectueux qui se moquait autant de Dieu – patron du village de vacances « le Paradis » – que du Diable – en Enfer et contre tous – qui de ce fait, à sa mort, ne put rejoindre aucun des deux endroits et se trouva fort dépourvu quand l’abysse fut venu. Depuis son décès, il déambule de par le monde, ne pouvant rejoindre ni enfer ni paradis. Atteint de parasitose intestinale, il va souvent prendre des purges à Thouars, dans les Deux-Sèvres. Pour se donner un peu de lumière dans les ténèbres de son errance, Jack mit une bougie dans une citrouille creusée, c’est pourquoi les premiers à l’avoir vu passer, les Irlandais, l’ont surnommé Jack O’Lantern. Pour couronner le tout, ce pauvre Jack est condamné à errer jusqu’au jour du jugement dernier. Mais la justice divine étant au moins aussi encombrée que celle des hommes, l’ultime procès, qui sera annoncé par les cavaliers de l’apocalypse en un tiercé prometteur d'un beau désordre, n’a toujours pas de date attribuée. L’agenda de Dieu est plein, il n’a même pas un créneau pour faire réparer sa voiture dont une roue est crevée, ce qui est un comble au royaume des essieux, mais il faut dire que depuis le retour de son fiston, les voies de Dieu sont pleines d’épines et de clous. Tout cela ne le chagrine pas beaucoup ou il n’en laisse rien paraître. Les émois du seigneur sont impénétrables.


Halloween a été largement promu comme évènement festif en France et jusqu’en Lozère ou les commerces ont sacrifié à la mode des citrouilles découpées dans leurs vitrines, que se soit à Mende, Florac, Saint Chély d’Apcher ou Langogne, et des soirées sur ce thème sont toujours organisées. Même les loups du Gévaudan et les bisons d'Europe ont été réquisitionnés. Comble de l'horreur, mais  engendrer la peur fait partie des halloweeneries, cette année un train va relier la Lozère au Gard. Toutefois, il semble que l’influence anglo-saxonne s'amincisse et le trick or treat (5) est troqué pour le concept d’origine précolombienne du dia de muertos.


Fort heureusement, dans les pays celtes, la fête de la nuit Samain, loin de s'amenuiser, connait regain d’intérêt avec un retour aux origines. Juste retour des choses, le dieu chrétien reçoit maintenant Samain dans la figure. Tendra t-il l'autre joue ?


Lozérix – Masque d’enfer




(1) Samain (Samhain, Samhainn ou Samhuinn)  est une des quatre grandes fêtes de l’année celtique, célébrée  aux environs du 1er novembre. C'est aussi le nom du mois de novembre en gaélique.  Elle marque le début de la période sombre. C’est le moment de transition, le passage d’une année à l'autre, et l’ouverture vers l’Autre Monde, celui des dieux. C’est aussi le moment ou morts et viavnts peuvent se rencontrer autours des sidhs.
(2) Sidh : autre monde pour les Celtes, généralement situé sous terre, sous les collines et les tertres qui sont devenus les résidences des Tuatha Dé Danann, accessible par l’eau et les tumulus.
(3) Ou Cernunnos, dieu aux bois de cerf, le Cernunnos celtique est attesté par une dizaine de représentations figurées. La traduction usuelle du théonyme est « (dieu) cornu », mais il n'est pas certain, compte tenu des noms celtiques de la « corne » (gallois carn, breton karn), qu'elle soit exacte. Le thème kern- désigne en celtique expressément le sommet de la tête et il s'apparente aux mots indo-européens désignant des bêtes à corne en général et le cerf en particulier.
(4)  Ceridwen, Cerridwen ou Kerridwen était une déesse de la mort et de la fertilité. Ceridwen garde la porte de l'Ouest avec Fal pour le Nord, Lug pour l'Est et Nuada pour le Sud. Son animal est le serpent.
(5) Un bonbon ou un sort.

samedi 14 octobre 2017

L’homme à la chair de poule

Faut-il craindre le franchissement
de la barrière des espèces ?

Cela peut paraître étrange, mais je n'éprouvais aucun désir de réintégrer l'humanité, satisfait seulement d'avoir quitté l'odieuse société des monstres.
Herbert Georges Wells, L'île du docteur Moreau





 

Octobre, le mois ou la vaccination contre la grippe commence pour les humains. Mais aucune campagne de ce genre n'est menée dans les élevages avicoles, encore moins pour les ailés sauvages. Or, on croise encore fréquemment dans les couloirs goudronnés de nos cités cages-à-poules et sur les chemins caillouteux de nos campagnes en voie de désertification, quelques survivants de la vague punk des années 80/90. Ces quasi-fossiles arborent toujours sur leur crâne d’œuf cette coupe de cheveux si caractéristique dite en crête de coq. Ce ramage si particulier qui permet l’identification rapide de l’espèce, surtout par les poulets qui les ont souvent en ligne de mire, n’a d’égal que leur plumage qui en font les phœnix des tribus contemporaines. Mais cette filiation gallinacienne ne présente t-elle pas aujourd’hui un risque sanitaire ? Ces punks ne risquent-ils pas d’être des proies faciles, des pigeons en quelque sorte, pour le virus de la grippe aviaire, virus assez haineux envers la volaille qui vient de ravager au premier semestre 2017 les élevages de canards et d’oies du sud-ouest mais qui, pour le moment épargne ceux de Lozère.

Rave sauvage

 Le punk crêté, on le rencontre dans les zones cévenoles où, héritier de la vague hippie, il est devenu un « néo-rural ». Son frère migrateur vient passer l’été au frais au gré des fêtes de villages ou des raves sauvages sur les causses. Ces deux porteurs potentiels, rétifs aux règles de la vie sociale et notamment des vaccinations obligatoires, peuvent-ils être le chainon manquant reliant l’aviaire à l’humanité ? Les volailles lozériennes pourraient-elles être les dindons de la farce de cette mode capillaire. Et au delà de la population avicole, cette menace plane au dessus des grands rapaces, vautours fauves et des vautours moines réintroduits dans les gorges de la Jonte et qui font désormais partie intégrante de la faune lozérienne. menace qui s'étend aussi aux faisans, perdreaux, perdrix, cailles, corbeaux, pies, moineaux ...


Vautour moine © Patrick Dubois

 Les tenants de ces fantaisies chevelues ont vraiment des cervelles d’oiseaux, pour mettre ainsi en danger la communauté. Les pouvoirs publics vont-ils encore faire longtemps l’autruche ou vont-ils enfin se décider à mettre du plomb dans l’aile de ces tignasses, véritables appeaux pour des microbes piaffant d'impatience, qui pourraient bien plumer un pan entier de l’économie du département si les oies, canards, poules, pigeons, dindes, pintades venaient à être contaminés. Dans le même ordre d’idée, il est demandé aux dames de se comporter intelligemment et de ne pas faire les bécasses, aux attentistes de ne plus faire le pied-de-grue, aux enfants de ne pas répéter les choses comme des perroquets, aux drogués de l’information journalistique de ne plus lire leur canard, aux mères-poules d’être moins protectrices, aux bavardes comme des pies de se taire, aux cons d’or de se transformer philosophalement en plomb, aux gais comme des pinsons de s’attrister, à ceux qui ont le nez en bec d’aigle de ne plus se moucher, à ceux qui ont la gorge rouge de se soigner, ceux qui ont une tête de linotte devront être plus attentifs, ceux qui baillent aux corneilles se coucheront tôt, ceux qui sifflent comme un merle utiliseront un pipeau, ceux qui sont chouettes deviendront désagréables, les vieux hiboux rajeuniront, le fier comme un paon sera fier comme un bar-tabac*, les innocents comme la blanche colombe devront avouer leur forfaiture, les interprètes du chant du cygne différeront leur grand voyage, ceux qui poussent des cris d’orfraie devront crier comme des cochons qu’on égorge, celui qui est un corbeau cessera ses délations, ceux qui ont un appétit d’oiseau mangeront comme quatre, celles et ceux qui cherche l’oiseau rare chercheront la perle, ceux qui ont la bouche en cul de poule porteront un masque et les photographes ne laisseront plus sortir leur petit oiseau.

Il n’est plus temps pour caqueter, jacasser et piailler indéfiniment sur cette situation. Il faut des actions fortes. C’est pourquoi, il faut tuer dans l’œuf toute parcelle qui pourrait servir de nid au H5N8 de l’influenza aviaire.

Lozérix – Loi du capitole contre oie décapotable



* Fernand Reynaud, Frédéric Dard et Michel Colucci