samedi 3 novembre 2018

Dans mes racines je demeure

Yggdrasil - l'Arbre de vie




- L’enfant :
" Chante-moi la série du nombre trois "
- Le druide :
" Il y a trois parties dans le monde : trois commencements et trois fins, pour l’homme comme pour le chêne.
Trois royaumes de Merlin, pleins de fruits d’or, de fleurs brillantes, de petits enfants qui rient "
Théodore Hersart de La Villemarqué, Ar rannoù - Barzaz Breiz





Le texte qui a servi d'inspiration, Allez dire à la ville, est un poème de Xavier Grall (1930 - 1981), publié dans La Sône des pluies et des tombes, aux Éditions Kelenn en 1976. On peut le lire ici. En savoir plus sur l'auteur, écrivain d'une Bretagne qui se lève.

Les lignes qui suivent forment une version revisitée sur le thème du Gévaudan, huitième province celtique et berceau d'une culture qui tend à disparaître sous les coups de la vie "moderne" comme tous les territoires ruraux. Il évoque aussi la permanence et la solidité du lien qui attache les Lozériens à leur terre, surtout quand ils en sont éloignés. Il y a aussi l'idée d'une terre de refuge face aux maux qui nous entourent, et l'impression sous-jacente, on pourrait même dire le bon sens, que malgré tout, il fait meilleur vivre la haut que dans les plaines urbanisées vouées à la consommation aveugle, seulement peuplées d'homo economicus, sans histoire et sans identité. La "misère" est peut-être moins pénible sur la montagne.



Terre dure de forêts et de pluies
c'est ici que je renait.
Cherchez, vous ne me trouverez pas.
C'est ici que le grand cerf
réinvente les menhirs
c'est ici que je m'invente
dans le fracas des torrents aux écumes violentes.
J’ai l'âge des légendes.
J’ai trois mille ans
vous ne pouvez pas me connaître
je demeure dans la voix des bardes.

Rebelles aux temps gris
et corsaires d’aujourd’hui
allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas.
Dans mes racines je retourne
dans les branches des chênes qui enserrent les souvenirs des bagaudes
sur le granit qui élève des murailles
où les orties dressées sur la peau de la terre
déchirent la peau des enfants et rougissent les chairs
où la bruyère cache la vipère
dans sa houppelande mauve
étendue sur la lande.

Allez dire à la ville
que c'est ici que je perdure
par les chemins tordus comme des hêtres
avec les pierres levées sur les flancs du Lozère
héritières des temps anciens
amies des grands vents
et des loups perdus.
La burle automnale
éclaire le pays Gabale
du souffle blanc d’une neige lustrale.
Avec lui je m'envole.

L'orage résonne. Nuage et bruit
feu et tonnerre, vent et pluie.
Allez dire à la ville que je ne reviendrai pas.
Dans mes racines je retourne.



Lozérix - Du Clan des gens-racines et peuple ancré