samedi 27 juin 2015

L'odeur est dans le pré


 

Dans ce pays, l’eau paraissait plus vive et plus puissante qu’ailleurs. Elle creusait vaillamment ses lits, fertilisait, s’opposait aux sédiments de lave et de granit. Si elle paraissait aux endroits profonds, brusquement on la voyait s’éveiller et se précipiter brusquement comme une suicidée sur les rochers polis, là où l’on pouvait traverser à gué, en sautant de pierre en pierre.
Robert Sabatier, Les noisettes sauvages 

 

 

Au printemps et en été, humez ces fumets que la Lozère, de ses vallées à ses crêtes, secrète. Ces senteurs qui sans heurt effleurent les narines, cent heures durant les inhalant, transforment l’air ambiant en fragrances sucrées. Par monts et par vaux, parfums et odeurs emplissent l’atmosphère, pareils à l’essence raffinée d’un flacon d’Air du temps.

N° 48 de LOZ AIR
Condensé d'évaporations des steppes narcissiques
d'Aubrac, de Margeride et du Mont Lozère

On aimerait jusqu’à déguster les fleurs. Leurs bouquets donnent faim, appétit et mets sont dans la prairie. Les florales effluves filent sur un fleuve d’exhalaisons fameuses qui fortifient les fosses nasales. Le poids des senteurs qui dans les francs bois s’entassent, prend à pleins filets des bancs de volutes odorantes. La volupté dégagée de toute parcelle de flore s’enrichit des muscs d’une faune embusquée. Le pèlerin de St Jacques lorsqu'il passe en Lozère, se guide à l'odeur de l'humus végétal qui balise les sentiers, les sentes et les sous-bois. C'est comme un appel de la forêt quand le compost hèle. Que vienne s’insinuer une puanteur insidieuse, les sains sinus enivrés d’ions positifs repoussent de la scène les pestilences malsaines. Par faim, le nez absorbe les parfums, parfaits pour nourrir l’olfactif de l’or factice des genêts. Après l’or, le sent-bon de l’encens qui en cent bonds emplit la mer sans borne des arômes gévaudanes. En tous sens il se répand, et sans décence descend au plus profond de chaque entraille, faille ou fente moussue, pour s’y émousser. Reste le troisième présent des mages du passé, le plus fruité. Retenu par sa proximité d’avec un sol aimanté et menthé, il en est l’amant délétère. La serrant par les aisselles, la fesse, elle se riant, roulant dans les airelles, la myrrhe titille la terre-mère. Saphique rencontre dans une nature épique, ou la myrrhe à sa belle fait gorge, et la terre, admirable, râle ses effluences embaumantes en un souffle qui fait trembler le pont de ses soupirs. 

Lozérix – Aux nues, mais héros sain du charnel

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