samedi 25 mars 2017

Les atours infernaux

La tour des Anglais - Châteauneuf de Randon, Lozère
 
 
Il lui sembla que la terre, sur laquelle il était couché, le pénétrait dans tous ses membres, qu'il devenait une pousse de cette terre, comme un arbre, vivifié d'une sève qui montait des profondeur.
Michel Ragon, La Ferme d'en haut


 

Le 21 juillet 2005, alors que les yeux du monde étaient braqués sur l’actualité dramatique des autres coins de la terre vus par l’angle obtus d’une caméra, un événement d’une gravité rare est passé sous silence par la gent journalistique. Celle-ci, inféodée à l’audimat, au sensationnel et au mondialisme, s’épate de coins lointains oubliant nos prés carrés. Les reporters ont omis de rendre compte d’un bombardement aveugle et destructeur, loin des effractions syriennes, des fractions libyennes, des frictions en mer de Chine, des fictions coréennes ou des factions ukrainiennes. Notre affliction, c’est le pilonnage de Saint-Jean-La-Fouillouse, canton de Château-Neuf-de-Randon, en haute-Lozère. Des éléments du gouvernement français se sont faits servants de ce tir meurtrier. Le ministre de l’aménagement du territoire en personne a lui-même commandé le feu, en vêtements civils dénués du moindre écusson de reconnaissance, ce qui au regard des conventions de Genève et du droit de la guerre en fait un franc-tireur.

Le prétexte fallacieux de cette opération d’artillerie qui a grandement endommagé l’environnement mais qui par miracle n’a pas fait de victime, était l’installation d’un nouveau pylône destiné à la téléphonie mobile. Comme à l’accoutumée, l’occupant colonialiste continue de semer et planter ses disgracieusetés industrielles et technologiques dans notre belle province, nouvellement bouleversée dans sa quiétude et son esthétisme par une offensive guerrière, qui plus est au profit de firmes de télécommunications. Non content d’exploiter les sols, sous-sols (1) et sur-sols de cette commune, le jacobinisme parigo-français met sa force de frappe au service de vils intérêts marchands, financiers et apatrides, se conduisant comme la pire des Mata Hari en se vendant au mercenaire le plus offrant. Basse conduite ou le spectaculaire confine au spéculataire. On constate aussi que les téléphones intelligents rendent les gens bêtes, l’abus de cette diabolique téléphonie sans-fil plonge les chauffeurs, les motocyclistes, les cyclistes et les piétions dans une distraction aux conséquences parfois dramatiques. Non contents de mettre ainsi les Lozériens en danger, les tenants de ces voies modernes de communication, qui déconnectent les gens en chair et en os pour les relier virtuellement et artificiellement, revêtent les paysages bucoliques d’atours infernaux en multipliant les tours infernales. Autre effet pervers, la destination première de ces maudits engins, à savoir l'échange par transmission de la voix, cède le plus souvent la place à l'envoi de "sms" (short message service) et autres "textos", eux-mêmes se raccourcissant de plus en plus jusqu'à devenir une nouvelle langue, pur jargon phonétique mâtiné d’émoticônes. 4000 ans après les hiéroglyphes d’Égypte, l'apparition de ces téléglyphes sonne la fin des écritures ceintes par les règles de l'orthographe et de la grammaire.

Instrument destiné à l'asservissement du cerveau humain à la voix de son seigneur et maître.
L'outil est moderne mais le concept ancien :
" Et tu écouteras la voix de l’Éternel émettre, et tu pratiqueras ses commandements et ses statuts "
Deutéronome 27:10.

Par ce pilonnage, les boutiquiers téléphonistes réussissent la perforation de la croûte de notre terre-mère, qui trouve la note amère et vinaigrée elle qui n’est pas une dure-mère et qui se voit trouée par ce pylône, fiché dans sa peau comme un harpon dans le cuir d’un cachalot, une dent dans un chamalow ou une fourchette dans un aligot. Il faut se rendre compte de tout ce que ce trou déballe : la totalité de l’édifice concourt à l’épouvante. Le haut déforme la vue du ciel et la tour, du bas, bêle de grincements inquiétants. Gare aux ruminants qui voudraient prendre langue et brouter à ses pieds. Tout cela pour que quelques touristes en goguette et quelques snobs résidant en Lozère puissent utiliser un téléphone portable. Car quel vrai Lozérien utiliserait cet instrument ridicule et coûteux ? Appeler un médecin en cas d’urgence ? Les Lozériens ne sont jamais malades. Tout au plus une grippe lorsque l’hiver la température reste 15 degrés au dessous de zéro pendant plus de trois semaines, mais qui se traite radicalement par l’absorption régulière de grogs à la gnôle. Contacter un mécanicien en cas de panne en rase campagne ? A t-on déjà vu les véhicules traditionnels de marque reconnues comme Renault V.I., Case, Fendt, Massey-Fergusson, Mc-Cormick, John Deere, New-Holland, Deutz-Fahr, Fiat, Lamborghini, Someca, Ford ou Mercedes avoir des avaries de fonctionnement ?

Labour est dans le pré - Renault 891-4 , 1977

La Lozère est à nouveau victime d’un ennemi supérieur en nombre et en fourberie. Ce pylône, véritable tour de guet, servira essentiellement les services secrets de renseignement et d’espionnage aux aguets pour écouter le pays Gabale et percer ses données confidentielles aux moments clés. Vénale, la France se fait rétribuer son sale boulot par les tenanciers de fréquences hertziennes prêts à toutes les vilenies tant est fort leur appât du gain. Si l’épargnant lozérien, économe exemplaire mais rétif au boursicotage spéculatif ultralibéral et global se contente en bon écureuil des produits de la Caisse d’épargne, l’investisseur mercanti tente de tirer nos bons gains des livrets. Nous savons pertinemment que la technologie la plus aboutie aurait commandé le lancement d’un satellite télécoms dédié au Gévaudan. Au lieu de cela, on nous impose un pylône des cavernes alors que se tapit l’aune du dix septième anniversaire du 21ème siècle. Les élites gouvernementales, parisiennes de naissance ou d’adoption, pensant être des urbains sains prennent vraiment les campagnards pour des ignorants.

La tour du Cellier - Saint-Jean-la-Fouillouse, Lozère

Comble de l’horreur, ce pylône pourrait servir aux ennemis héréditaires embusqués sur le versant sud des Cévennes. Nous sommes véritablement en présence d’un mât de cagagne. Mais rira bien qui rira le dernier, la tour est faible et le vent fort. La tour risque de pencher dans la tourmente. Une moissonneuse batteuse pourrait faire une fausse manœuvre. Faisant le tour d’épis à la faveur de la nuit, elle viendrait faucher la tour dans l’ombre. Quelques fous descendants de leur montagne à cheval vers l’arène des combats, pourraient prendre la tour en tenaille et faire échec au mât, quitte à sacrifier quelques pions mais ces morts pions ne le seront pas pour rien. C’est au sprint que nous déboulonnerons la tour de France. Il faudra une intervention divine pour que cet échafaudage perdure et je ne crois pas à la tour des miracles. La ziggourat de fer a déjà du plomb dans l’aile et il est probable que la tour, dessanglée comme à Châteauneuf–de-Randon ou Saugues, s’abatte. Un dernier tour de manège avant que la tour déménage.

Lozérix – Office d’atourisme et retour aux sources


(1) La commune de Saint-Jean-la-Fouillouse avait trois sites d'extraction d'uranium sur son territoire, Le Cellier, Le Villeret et Le Deves (source : CRIIRAD)