« Dans la profondeur de la forêt résonnait
un appel, et chaque fois qu’il l’entendait, mystérieusement excitant et
attirant, il se sentait forcé de plonger dedans toujours plus avant, il ne
savait où ni pourquoi. »
Jack
London, L’appel de la forêt,
1903
« […] c’est autre chose que les Français qu’on nous fait aujourd’hui, des Français de trottoirs – et de cinémas, des Français de coton, perdus aussitôt qu’ils posent le pied dans une forêt… »
Henri Vincenot, La Billebaude, 1978
« Lassés de peupler des villes surpeuplées dont la gouvernance implique la promulgation toujours plus abondante de règlements, haïssant l’hydre administrative, excédés par l’impatronisation des nouvelles technologies dans tous les champs de la vie quotidienne, pressentant les chaos sociaux et ethniques à venir, ils décideraient de quitter les zones urbaines pour regagner les bois. Ils recréeraient des villages dans des clairières, ouvertes au milieu des nefs. Ils s’inventeraient une nouvelle vie. Ce mouvement s’apparenterait aux expériences hippies mais se nourrirait de motifs différents. Les hippies fuyaient un ordre qui les oppressait. Les néo-forestiers fuiront un désordre qui les démoralise. Les bois, eux, sont prêts à accueillir les hommes ; ils ont l’habitude des éternels retours. »
Sylvain
Tesson, Dans
les forêts de Sibérie, 2011
Au Mexique, dans les montagnes de Oaxaca au sud-ouest du pays, dans la communauté indigène Mazatèque, vivait la plus célèbre des chamanes, María Sabina. Cette guérisseuse était réputée dans son village pour ses rituels de guérison appelés velada, à l'aide de champignons hallucinogènes qui permettent de guérir de nombreuses personnes de sa communauté. Dans les années 1950, elle accueille un ethnomycologue qui étudie la place des champignons dans les sociétés humaines, Robert Gordon Wasson qui vient des Etats-Unis. Dans la nuit du 29 au 30 juin 1955, Maria Sabina prépare un de ses rituels sacrés dont elle a le secret pour ses visiteurs. La cérémonie dure toute la nuit. La chamane ingère des champignons hallucinogènes, elle en donne aussi à ses invités, de manière très précieuse, très codée.
Deux ans plus tard, Robert Gordon Wasson publie un article sur cette expérience en changeant le nom de la guérisseuse pour la protéger. Mais le mythe est né, et tout le monde veut trouver cette femme aux champignons magiques. Certaines quêtes aboutissent et Maria Sabina, dans sa grande bonté accueille ces étrangers venus essayer le rituel du velada.
Dans les années 1960, Maria Sabina devient une attraction touristique. Partout dans les villages alentours on vend ces fameux champignons hallucinogènes. Les cérémonies sont prisées, mais très vite, la chamane déchante :
« J’appelais les champignons que j’utilisais pour les guérisons les enfants saints, les enfants sacrés. Lorsque je fis consommer ces champignons à des touristes étrangers qui, disaient-ils, voulaient connaître Dieu, en fait par simple curiosité ou expérience, il s’est produit un fait étrange, extraordinaire, incompréhensible. À partir du moment où les étrangers sont arrivés pour chercher Dieu, les enfants sacrés ont perdu leur pureté, leur force, on les a gâchés. J’ai réalisé que ces jeunes gens aux cheveux longs n’avaient pas besoin de moi pour manger ces petites choses. Ils les mangent partout, à n’importe quel moment, et ils ne respectent pas nos traditions ».Elle n’arrive plus à maîtriser les champignons, elle perd un peu pied tout en devenant une icône que l’on brandit pour faire venir le tourisme. Les communautés gagnent un peu d’argent mais perdent énormément de l’authenticité de leurs coutumes et traditions. Les cérémonies deviennent récréatives pour des occidentaux en manque de sensations fortes et l’aspect curatif n’a plus de sens.
(Extrait de « Maria Sabina, La sage aux champignons sacrés », Alvaro Estrada, traduction de Michel Bibard, Seuil, 1994)
Ceci pour dire qu’il est dangereux pour les particuliers de dévoiler les coins à champignons, d’exposer des photos de récoltes sur les rézosocios, au risque de voir la ressource disparaitre, qu’il est contreproductif pour les offices de tourisme ou collectivités locale d’organiser des manifestations autour de la cueillette de champignons au risque de voir surgir des hordes de touristes qui vont épuiser les forêts et les sous-bois.
Mieux vaut se contenter d'aller voir les champignons au cinéma :
Lozérix - Un samedi soir sur lactaire
« […] c’est autre chose que les Français qu’on nous fait aujourd’hui, des Français de trottoirs – et de cinémas, des Français de coton, perdus aussitôt qu’ils posent le pied dans une forêt… »
Henri Vincenot
La Billebaude, éditions Denoël, 1978
« […] c’est autre chose que les Français qu’on nous fait aujourd’hui, des Français de trottoirs – et de cinémas, des Français de coton, perdus aussitôt qu’ils posent le pied dans une forêt… »
Henri Vincenot
La Billebaude, éditions Denoël, 1978
« […] c’est autre chose que les Français qu’on nous fait aujourd’hui, des Français de trottoirs – et de cinémas, des Français de coton, perdus aussitôt qu’ils posent le pied dans une forêt… »
Henri Vincenot
La Billebaude, éditions Denoël, 1978