samedi 5 décembre 2015

La guerre de santons


Sapin celtique

" Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent "
François René de Chateaubriand


Y aura-t-il de la crèche à noël ? Les évènements tragiques survenus en France le 13 novembre 2015 qui ont mis en évidence plusieurs dérives fondamentalistes islamistes, ont comme effets secondaires, entre autres, de revigorer l’attachement des chrétiens aux crèches de noël, même si parmi eux une grande majorité se qualifie de non-pratiquant. Ces crèches sont une représentation de la naissance de Jésus, fils d’une vierge, d’un père biologique céleste et d’un père adoptif terrestre charpentier de son état. Elles relèvent ainsi du christianisme et sont donc à l’origine étroitement liées au fait religieux. Depuis quelques années, les crèches publiques s’entrechoquent avec la laïcité montante, litanie républicaine censée apporter l’égalité des cultes. Oui mais voila, au delà de l’aspect religieux, les partisans des crèches invoquent aujourd'hui la tradition de noël, qui avec le temps aurait perdu de ses accents chrétiens pour se banaliser, devenant un moment séculier de réjouissances à base de jouets, de vieillards barbus en houppelande rouge, de chocolats et de marrons glacés, de houx et de gui. Sur les réseaux sociaux, les crèches éclosent comme jamais. Une polémique s’est même amorcée au sein de l’association des maires de France puisqu’un document préconise de ne pas installer de crèches municipales, ce qui a fâché quelques maires, devenus de fait des maires-noël. Parmi les santons, l’étonnement l’emporte. Ce regain d’intérêt d’un public jusque la atone les a surpris. Si leurs soutiens gagnent, nul doute qu’ils entonneront les cantiques de leur marathon musical des fêtes de fin d'année avec plus de ferveur que d’habitude, sur dix tons, en guise de reconnaissance.


Santons de haute-Lozère

Au Pays Gabale, ce débat ne nous touche pas. Pour nous, c’est l’arbre qui représente noël. La vénération des arbres et la décoration d’un sapin, cet arbre toujours vert et symbole de la renaissance de la vie après le solstice d’hiver, est une vieille histoire païenne et européenne sur laquelle l’église s’est contentée de superposer la date de la nativité. Les Celtes, les Grecs, les Romains pratiquaient déjà ces coutumes à cette époque de l’année. Et pour les peuples nordiques, le frêne Yggdrasil était l’arbre de vie et l’axe du monde. Le Gévaudan garde l’empreinte des croyances celtes dans sa toponymie. Les forêts et les bois portant le nom de « boulaine, ou boulène » étaient autrefois des lieux dédiés au culte du dieu Bélénos. Les trois religions du livre, religions dites révélées, l’ont été au fin fond des déserts moyens-orientaux ou ne poussent que des buissons ardents, de rares épineux et des palmiers dattiers longilignes. Elles sont peut être bonnes pour les bédouins, mais que peuvent-elles apporter aux descendants des peuples des forêts ?

Accueillante forêt lozérienne

Le grand avantage de nos temples sylvestres lozériens, c’est qu’ils sont les mêmes pour tous. Y va qui veut, il n’y a pas de prosélytisme, pas de liturgie particulière sauf celle de respecter la nature, pas d’interdits alimentaires. De ces lieux de culte forestiers, c’est la sagesse et la plénitude qui émanent. Il n’y a pas de forêt radicale, intégriste, fondamentaliste, mais des forêts d’essences qui éveillent les sens, soignent les corps ou réparent les âmes. La ou il ya des chênes il y a du plaisir, les hêtres favorisent la réflexion, hêtre ou ne pas hêtre, le sapin est bon pour l’odorat, contre les crises d’hilarité on recommande le saule pleureur, secouer un prunier combat l’état lymphatique, toucher du bois conjure le mauvais sort, les vieilles branches entretiennent l’amitié, les violents peuvent se défouler en distribuant des fruits de châtaigniers, on peut perdre son chagrin avec l'aide d'un noyer, le pin parasol protège la peau des érythèmes solaires, un seul être vous manque et tout est peuplier, le charme aide à bien se porter, la sociabilité s’exprime bien quand on est cyprès des autres, les personnes sans travail trouvent des bouleaux, les orgueilleux se couronnent de laurier, les paresseux ont plaisir à s’assoir ou se coucher sur le bois de cèdre d’un lit-banc, enfin, les gens décidés se rendent à l’endroit des six ifs. Il y a des arbres pour tous les cas. Jusqu’aux individus peu recommandables que sont les auteurs de crimes de mélèze-majesté qui tentent de se repentir sous les bois de justice.

Vieille branche - Ent de la forêt de Fangorn

De plus, et ce n’est pas négligeable en terre auvergnate ou un sou est un sou, cette forme de culte n’impose pas de sollicitation financière. Contrairement aux églises, dans la forêt il n’y a pas de tronc destiné à recevoir des oboles.

A cette heure, on ne sait qui va gagner la bataille des crèches. Si une stricte laïcité l’emporte, il n’y aura guère de santons. Mais cet éventuel noël sans santon pourrait relancer une guerre de 100 ans. C’est le moment pour les Lozériens de donner l’exemple et de se détourner d'un dieu aux abois en répondant favorablement à l’appel de la forêt qui couvre une bonne partie de la Gabalie, des Cévennes à la Margeride, de l'Aubrac au Mont Lozère. Et puis noël, c’est aussi la période des buches.

Lozérix – Guide en clairières et flèche de tout bois

3 commentaires:

adamadream a dit…

Bonjour,
j'arrive par hasard (non, il n'existe pas) sur votre page et vous remercie par avance, des promesses de douces lectures qui s'y trouvent.
Vous etes Lozèrien ? Je suis languedocienne. Apres les attentats du 13 Nov, j ai par nécessité commandé le Pape des escargots que je m étais promise de lire un jour. Le moment était bien venu. Sa lecture a miraculeusement apaisé mes sens, mes émotions et avait rendu à la vie le sourire que je venais de perdre. L enfant triste venait d être consolé. Il venait de retrouver sa terre, sa source, sa force, sa voix(e), . En vous lisant j ai entendu avec délice le chant des oiseaux, joyeux joyaux de vos forets, et voici Mélusine qui use avec joie de j'ois mais ne l use.
La vie m'a commandé de rejoindre la Lozère pour y marcher, marcher, marcher… Je vais donc aller marcher, marcher, marcher. Et vous voilà, je ne suis pas encore arrivée que vous venez déjà gazouiller près de mon coeur le chant de nos troubadours. Leur chant d' Amor.
Je viens de trouver un frère de laie et vous une nouvelle abonnée. Annelise

Lozérix a dit…

Je vous remercie pour ce commentaire, appréciable tant sur le fond que sur la forme. Je n’ai aucun doute sur le fait que vous apprécierez les marches en Lozère. Vous pourrez les accompagner, pour rester dans le style du Pape des escargots, par des livres comme La croix de ma mère de Gaston Bonheur, La vouivre de Marcel Aymé, ou encore Le fils du dieu de l’orage d’Arto Paasilinna. Merci encore pour de votre très aimable participation.
L.

adamadream a dit…


Paul Nord … 78°Nord. C est une très belle aventure intérieure quand les limites physiques cèdent sous la pression constante des impératifs de cette nature extreme emportant la peur, le doute, le questionnement. Quand l arène se transforme en écrin, quand le corps epuisé accueille le sol gelé comme un lit de drap blanc amoureusement offert, et fini par percevoir la quiétude de l immanence pour enfin se confondre avec elle.
Voilà pourquoi mes premiers pas fouleront avec émotions le plateau de l'Aubrac enneigé.
Merci beaucoup pour vos conseils de lecture que je vais suivre.