samedi 18 février 2017

La coquille et le marteau


Parfois, l'escargot patine
Rechercher la vérité, c'est comme regarder un escargot en poursuivre un autre. C'est un mouvement lent, mais obstiné.
Henning Mankell, Le chinois




 


Une actualité de 2016 ouvre une formidable opportunité de progrès : l’utilisation de la bave d’escargot pour fabriquer de nouvelles colles biologiques. Cet organisme à coquille est déjà prisé pour sa consommation, agrémenté de beurre et d’ail ou parfois de sauce tomate ou encore au lard et à la braise. Avec une avancée aussi décisive, bien des choses sont envisageables. Par exemple, une colle de type glu pour la colle à papier peint par exemple, parce que le bricoleur du dimanche, il en bave pour tapisser. Depuis longtemps les biologistes voulaient exploiter les propriétés gluantes du ruban brillant que l’escargot laisse traîner derrière lui pour en faire un rubanfix. Ils ont observé la sécrétion d'une bave beaucoup plus dense et adhésive quand la bête se déplace sur des endroits qui nécessitent une adhérence partielle. Le mucus renforce l’adhésion du pied au sol. Grâce à ce mucus, l’escargot peut adhérer à toutes sortes de surfaces et parfois, il sécrète un gel qui agit comme une colle. On a craint un temps que l’adhésivité de ces sécrétions pose quelques problèmes. Le producteur risquant de ne plus pouvoir quitter son logis ni se déplacer. Une idée a germé : pour que l’escargot ne reste pas auto-collé au fond de sa maison, on a envisagé de lui insérer un gène de limace, gastéropode de la même famille des mollusques terrestres mais qui a la particularité d’être un escargot sans-domicile-fixe. Ceci aurait privé les escargots de leur patrimoine immobilier ce qui tombe mal car on sait qu’aujourd’hui, la pierre est le meilleur placement. Toutefois, cette solidarité entre la partie molle de l’escargot, base du processus de fabrication, et sa partie dure, à priori inutile dans ce processus est peut être à relativiser. On sait que la colle classique, en tube, colle tout, excepté les bouchons de tube. Peut être en sera-t-il de même avec le mollusque ? Le dicton « mobile-home, sweet mobile-home » restera t-il d’actualité pour notre gastéropode ? Oui, car les scientifiques ont découvert que si le mucus/colle était toujours solide, tout mouvement serait impossible, et s’il était toujours liquide, l’animal glisserait. Il produit donc, pour adhérer aux surfaces un mucus particulier. L’idée de casser leur élément hélicoïdal à coup de marteau est finalement une idée à la noix et le bris de coquille (*) est tué dans l’œuf. L'escargot ne s'écrasera pas au décollage. La bave avait déjà donné des résultats encourageants en dermatologie et elle est présente dans des produits de beauté, même si quelques personnes présentent des réactions allergiques et développe la pécolle.

A gauche, un escargot, à droite, un ruban adhésif

Des conséquences économiques inattendues naissent de ce progrès. Les constructeurs de maisons d’élevage pour escargots, les coolies maçons, des personnages francs du collier, vont déborder d’occupation. Car, nombreux dans les prairies, haies et bocages lozériens, les escargots sont la source potentielle d’une nouvelle activité pour un entrepreneur audacieux, capable d’innovation, de recherches et de développement pour se mettre à la colle. D’autant qu’on trouve en Lozère toutes les espèces, petit-gris, gros-gris, colimaçons, et notamment la plus noble et la plus recherchée, l’escargot de Bourgogne. Si quelques gargotes mettent à leurs menus de simples escargots de jardins, les vraies tables lozériennes proposent l’authentique Bourgogne du pays, en collation ou en entrée. Après les fermes hélicicoles dédiées à l’élevage à but alimentaire déjà présentes en Lozère, on pourrait voir s’implanter dans le département des unités de production de colle. La CCI de Lozère  va racoler des candidats. L’animal producteur n’étant pas collet-monté, l’exploitation devrait être facile et rentable. Et même si l’escargot aime à caracoler dans l’herbe humide, sa capture à la course reste une chose aisée. On se réjouit aussi que l’éventualité exposée ci-dessus de le priver de sa coquille soit inutile, celle-ci offrant une prise parfaite pour le saisir, ce qui n’est plus le cas pour une limace. De plus, l’absence de ce dispositif permettrait à l’escargot, amputé de sa carapace, de se carapater plus vite ce qui constituerait une perte de temps et donc d’argent pour l’exploitant. Voila bien le comble pour un héliciculteur que de rattraper du temps perdu à courir après un escargot. Mais a toute chose malheur est bon, et en courant ventre à terre, le baveux transpire plus abondamment, ce qui augmente la production de matière première et donc le revenu. Qui s’y colle s’y frique pourrait-on dire.

La colle inspirée de la bave d'escargot en vidéo

Cette nouvelle utilisation des gastéropodes est à saisir par les cornes, les candidats lozériens doivent vite sortir de leurs coquilles avant que l’idée ne fasse son chemin dans d’autres zones ou l’escargot est aussi présent. En matière d’escargots il faut se hâter, toute lenteur est pénalisante. Doug Larson a dit : « ne mettez jamais en doute le courage des Français, ce sont eux qui ont découvert que les escargots étaient comestibles ». Ne doutons pas du courage des Lozériens qui vont prouver qu’ils sont aussi de bons pots de colle. On espère voir rapidement rependre des plafonds des maisons lozériennes typiques les rubans tirebouchonnés et collants destinés à l’engluage de mouches, fabriqués avec de la colle locale et écologique. Comme le produit final espéré sera aussi biologique pour des utilisations médicales et chirurgicales humaines, par en exemple en orthopédie en cas de fracture du col du fémur, la bave de l’escargot atteindra la hanche de l’homme. Ce produit hélicicole carné permettra d'éviter de lourdes interventions, au bénéfice des patients et des caisses de la Sécurité Sociale.

Le ruban tue-mouche, insecticide très utilisé en Lozère

Cette chronique a nécessité beaucoup de prudence à l’écriture et une relecture implacable car il y est beaucoup question de coquille. Or, de coquille à couille il n’y a qu’un « q ». En oublier un aurait fait une autre histoire.

Lozérix – Colle porteur pour quilles d’ex-cargos


* Il arrive que cela soit accidentel en Lozère lors de jeux traditionnels

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