vendredi 24 octobre 2025

Danger, chute de pierres !


 

Les pierres dressées ruissellent depuis cinq mille ans sans fondre. Dans le vent violent, elles seules ne bougent pas.
Sylvain Tesson, Avec les fées

Rien ne vaut la force de l'amour de l'homme pour sa terre, sa forêt, ses fleuves, ses montagnes, ses rochers, ses arbres, ses oiseaux, ses pierres.
Jean-Marie Adiaffi, La carte d'identité

Chacun a tendance à penser que les vieilles pierres ne sont pas à un an près, et que le patrimoine ne va pas s’écrouler du jour au lendemain.
Stéphane Bern, Interview, Le Figaro


Et la Grèce fondit sur la Lozère !

Suite à la chute du célèbre rocher de Saint-Chély-du-Tarn le 23 octobre 2025, en Lozère, dans les gorges de la rivière précitée, les autorités locales ont demandé l’intervention du célèbre entrepreneur grec de travaux publics, Sisyphe. Ce personnage mythologique, demi-dieu, a l’expérience requise puisqu’il avait été condamné à rouler un rocher jusqu’au sommet d’une montagne. Paradoxalement, Sisyphe est le fils d’Éole, dieu du vent, et il est probable que le rocher s’est décroché de la falaise justement à cause des forts vents de la tempête Benjamin qui est passé sur la France et la Lozère le même jour, provoquant un fantastique courant d’air au-dans le canyon de la rivière et descellant par la même l’accroche déjà fragile de la pierre tombée, car minée par les eaux de la cascade qui lui coulait au-dessus . 



Ce choix audacieux est-il le bon ? La question se pose car si Sisyphe est toujours parvenu à hisser son rocher, arrivé à destination, celui-ci, immanquablement, retombait de l’autre côté. Une intervention conjointe des entreprises Eiffage et Yves Rocher, spécialisées l’une dans la manutention de charges exceptionnelles, l’autre dans les minéraux, qu’ils soient sédimentaires ou métamorphiques, serait peut-être plus à même de réparer le dégât des eaux. Et quitte à convoquer des créatures du passé, ne serait-il pas judicieux de contacter celles qui ont érigé les quelques 200 pierres levées qui parsèment les flancs du mont Lozère sur la Cham des Bondons ?

Une affaire à suivre …


Le rocher avant et après sa chute (23 octobre 2025)
photos réseaux sociaux

Lozérix, Rolling Stone moussu
 

Voir l'article de Hélène Gosselin sur Totem 
Voir l'article de Patrick Zimmerman sur La Lozère-Nouvelle

samedi 11 octobre 2025

La fleur du malt

Elle est vachement bonne
cette Mend'Ale !


 

Un pays n'existe pas s'il ne possède pas sa bière et une compagnie aérienne. Éventuellement, il est bien qu'il possède également une équipe de football et l'arme nucléaire mais ce qui compte surtout, c'est la bière.
Frank Zappa





La bière est une boisson fermentée très ancienne, connue dans l’Égypte des pharaons, dans la Grèce antique, et chez les celtes et les peuples du nord de l'Europe. Les traces les plus anciennes semblent remonter à 30 000 ans AP, découvertes dans l'abri sous roche de Cro Nenbour, site situé en Dordogne à proximité de Cro Magnon. On a également retrouvé des vestiges de bière en Mésoamérique, sur le site de Cro Rona, à Tlatilco (vallée de Mexico) datées d'environ 3000 ans AP.  Depuis le XIXe siècle et la maîtrise de la fermentation basse grâce à la réfrigération et la pasteurisation, la bière retrouve son statut de boisson de choix dans de nombreuses pays.

En 2025, une brasserie mendoise, les Brasseurs de houx blond, spécialisée dans les bières rousses et et ambrées, élabore et commercialise une nouvelle bière appelée la Mend’Ale.

Une Ale est une bière fabriquée avec des levures qui fermentent à température élevée, entre 18 et 22 °C. Les levures d'une Ale agissent en haut de la cuve de brassage, tandis qu'elles restent au fond pour une Lager. Le terme Ale désigne une bière de fermentation haute, en opposition aux Lager (de fermentation basse) et aux Lambic (de fermentation spontanée). La famille des bières de fermentation haute est si variée qu’il est difficile de trouver des points communs à toutes. De manière générale et en comparaison aux bières de fermentation basse, une bière Ale aura tendance à avoir une teneur en alcool plus élevée, une robe plutôt foncée et un bouquet aromatique plus dense.

 


La Mend’Ale présente un léger goût de châtaigne. A la première gorgée, la très discrète acidité de la bière ponce agréablement les dents. L'attaque débute par le punch de la mousse douce qui vient s'aplatir contre les gencives avant d'éclater. Chacune de ses bulles est une chiquenaude dans le palais, sa fraicheur gifle la langue avec douceur, sa rondeur est une pichenette au gosier et son taux d’alcool modéré n’inflige pas de calotte en plomb à la tête au lendemain d'une consommation abondante. Dans le même ordre d'idées, dans le cadre d'une consommation raisonnable, le léger degré d'alcool ne trouble pas l'équilibre comme d'autres bières fortes et bues immodérément qui peuvent faire chuter l’imprudent. Ce n'est pas une bière tombale. La Mend’Ale est une raclée de taloches qui fait du bien. Les Brasseurs ont imaginé un astucieux packaging pour leur boisson. Ils ont mis en image un super-héros local, Batmende, en pleine séance de dégustation avec son pote Robin en train d'échanger de vigoureux arguments quant aux qualités de la bière. Les canettes sont de 33 et 50 cl, comme il convient à une bière de taille. Véritable baffe liquide pour l’un, torgnole effervescente pour l’autre, autant de soufflets utilisés pour vanter la pêche que donne cette cervoise contemporaine mendoise qui provoque de somptueux éclats de bière. Désormais, à Mende, on écrit sur les murs à l'encre de nos pintes. 

Hommes d'une foi relative mais à large spectre, les Brasseurs de houx blond ont mis toutes les chances de leur côté pour réussir leur entreprise. Respectant un ordre protocolaire fondé sur l'ancienneté des cultes, ils sont allés à la cham des Bondons où ils ont répandu un peu de leur bière élevée au pied des pierres levées. Ils se sont ensuite rendus à Chassignoles afin d'honorer la mémoire d'Apécagenos, dernier barde gaulois de Gabalie mais aussi alebarde (1) producteur d'une cervoise renommée grâce à l'eau limpide du Chapouillet et au substantifique malt extrait de l'orge du plateau d'Espouzolles grillé au bois de hêtre. Ils ont prononcé la rituelle formule druidique : " bière, tu es bière, et sur cette bière je bâtirai mon ellipse", ceci afin que Bélénos, dieu celte du soleil, facilite à terme la diffusion de la Mend'Ale sur toute la terre suivant la course de l'astre solaire. Visite ensuite au Malzieu, dans la tanière secrète de la Bête du Gévaudan, animal totémique et protecteur de la province, où ils ont laissé une écuelle de leur breuvage, démontrant ainsi qu'en Gévaudan, bière et le loup ont toujours fait bon ménage. On trouve d'ailleurs à proximité de Bagnols-les-Bains, le col et la forêt de la Loup-bière (2). Enfin, à la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Privat de Mende, ils ont allumé un cierge pour que leur bière soit vierge de tout défaut. Ils ont offert une cannette au prêtre, si boire au calice une bière est permis (3). Tous les ages de bière ont ainsi été sollicités, évitant les erreurs, les impairs et surtout, l'échec et malt.

La Bête s'abreuve d'une Mend'Ale

Cette bière précieuse s'ajoute à une série de productions départementales déjà riche. Alors que les contreforts des Cévennes voient leur troisième domaine viticole (4) procéder à sa première vendange, sur l'ensemble de notre territoire, c'est l'or liquide et mousseux des brasseurs qui devient la bière angulaire du panthéon lozérien des boissons alcoolisées. Cette nouvelle bière apportée à l'édifice a obtenu le label "Fleur du malt" lors de sa présentation dans un concours organisé par les meilleurs zythologues (5) mondiaux, présidé par l'alsacienne Frédérique Chopine et l'écossais Tony Malt, distinction obtenue après un parcours sans faute à tous les tests, démontrant qu'elle n'est pas une bière d'achoppement. Elle promet au contraire des dégustations de chopes exemplaires.
 

Forêt domaniale de la Loup-bière - Lozère

Suggestion d’accompagnement, la Mend'Ale va très bien avec les beignes (6) et les marrons chauds. A l'apéritif, elle sublime les tranches des larges saucissons, devenant ainsi bière de rosette.

Comme toutes boissons alcoolisées, même si elle ne tabasse pas trop, la Men'Ale est à consommer avec modération. Évitez que la Mend'Ale ne vous mette à l'amende si la maréchaussée venait à vous choper.

Lozérix, mis en bière sous pression 


(1) Ale barde, barde gaulois brasseur de cervoise, à ne pas confondre avec hallebarde, arme d'hast pour fantassin en combat rapproché (du XIVe - XVIIe siècle)
(2) Sommet entre Lanuéjols et Bagnols-les-Bains, par la D 41
(3) Sachant qu'un prêtre peux rouler vite car 
ses habits sacerdotaux, ciboire ou éconduire, il faut choisir !
(4) Domaine des Audacieuses à Molezon (Midi Libre du 10/10/2025)
(5) 
Spécialiste et expert en bière. La zythologie est l’équivalent de la sommellerie dans le monde du vin.
(6) Ou donut comme disent les anglo-saxons.


Playlist recommandée pendant la lecture :
Laisse béton, Renaud - Lien Youtube
Du rhum des femmes, Soldat Louis - Lien Youtube
Drunken Sailor, The Irish Rovers - Lien Youtube
I Hardly Ever Sing Beer Drinking Songs, Johnny Cash - Lien Youtube




mercredi 16 juillet 2025

La truite enchantée



 
 
– Il existe des patrons de gauche, je tiens à vous l’apprendre !
– Il existe aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre !
Michel Audiard, Le Président, film d'Henri Verneuil - 1961

 

  

La rave-party illégale qui s'est tenue à Chabalier, commune du Mont Lozère et Goulet pendant la fête nationale française est enfin terminée et les lieux ont été rendus au calme et à la sérénité le 15 juillet. On déplore tout de même la mort d'une jeune femme dans un accident de la route pour avoir emprunté un chemin non-carrossable. Des échauffourées avec les forces de l'ordre, barrage forcé et tirs de mortiers d'artifices, ont fait deux blessés légers côté gendarmerie et de nombreuses interpellations côté forces du désordre.

Les conséquences du déversement de cette fantastique quantité de décibels sur la faune locale et les humains voisins seront certainement observées dans quelques jours avec une épidémie annoncée d'acouphènes. Il y avait une énorme lacune dans l'organisation puisque les commodités, toilettes, water-closet, feuillées et autres fosses d'aisance ne brillaient pas par l'action de Canard-wc mais par leur absence. C'est pourquoi on mesure déjà l'impact de l'épandage par les 12000 participants des milliers de litres d'urine chargée d'une myriade de produits aussi stupéfiants qu'illicites, aussi planants que dangereux, aussi psychédéliques que délictueux. Tous ces fluides contaminés jusqu'à la lie ont coulé de façon inconsidérée jusqu'aux sources des ruisseaux avoisinants pour finalement se retrouver dans l'Allier en quantité considérable. Les effets de ces effluves sournoises sur les truites ont rapidement été observés.

Truite en trip sur l'Allier


Les belles truites farios ou arc-en-ciel, dopées par les substances chimiques des rejets issus des vidanges de vessies pourries et de mictions dignes de celles de Lance Armstrong, se prennent pour des exocets et planent majestueusement au dessus des flots. Les pêcheurs peuvent ranger leurs asticots, le lancer ou la mouche, la ressource halieutique va maintenant se pécher au filet à papillons. Les inconditionnels de la gaule choisiront une canne à vis.

S’agissant de l’usage ou de la consommation de ces poissons ectasyés, amphétaminés, cannabilisés, cocaïnosés, altérés et désaltérés par toute autre substance psychoactive illicite, cela constitue un délit puni d’une peine maximale de 1 an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende (article L3421-14 du code de santé publique). 

Lozérix - Terre-neuvas du Sauveterre

 


La fête est finie
, à lire sur 20 minutes du 15 juillet 2025 
600 verbalisations, à lire sur Le Figaro du 15 juillet 2025
Etc ...

jeudi 10 juillet 2025

Hauts Lozèriens, rangez vos appâts !

 

Il avait beau se projeter sur la droite avec toute son énergie, à chaque fois il basculait en arrière, sur le dos. Il essaya peut-être cent fois, en fermant les yeux pour ne pas être obligé de voir le frétillement des pattes, et il ne s'arrêta qu'au moment où soudain il se sentit au flanc une douleur inconnue, légère et sourde.
Franz Kafka, La métamorphose

 

 


Un moustique d’origine auvergnate a été repéré en Haute-Lozère (Aubrac, Margeride). Facilement identifiable a sa couleur rouge tachée de vert et jaune, le nematocere altitudinis a la fâcheuse habitude de piquer ses proies au niveau des parties intimes, les plus tendres, son dard étant trop souple pour percer les zones dures ou épaisses. Cette propension à attaquer ces régions anatomiques sensibles lui vaut son nom familier de chichoune bougnat. Chichoune (1) désignant le sexe humain en occitan (2), et bougnat pour sa répartition géographique centrée sur l’Auvergne. Sa piqure est heureusement peu urticante mais peut véhiculer des MST. Les sous-vêtements taillés dans une combinaison de scaphandrier constituent la meilleure protection pour les délicats appâts et éviter que les diptères n'y fassent des agapes.

Nematocere altitudinis

 

Nudisme, naturisme et autres originalités comportementales ou vestimentaires, les tenues d'Adam et Eve et le port du plus simple appareil sont à proscrire dans les zones infestées.

Source : Science Diffuse n°48 du 31 juin 2025

Professeurs Lozérix, Nimbus & Tournesol
Laboratoire C.I.M.E. (Centre International Margeridien d'Entomologie)


(1) Voir sur le Wikitionnaire 
(2) Zigounette, zézette étant désignée par le dérivé chichourle (provençal)

mardi 13 mai 2025

Un pont pas trop loin


Il faut des monuments aux cités de l'homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ?
Victor Hugo, Choses vues

 L'établissement de la ligne Marvejols à Neussargues a entraîné la construction d'un certain nombre d'ouvrages d'art remarquables par leurs dimensions. Le plus audacieux est sans nul doute le viaduc de Garabit. Il a permis de relier à niveau et par le chemin le plus court les deux plateaux qui dominent, à plus de 100 mètres de hauteur, le lit de la Truyère.
Le viaduc suscita l'étonnement et l'admiration bien méritée de ses contemporains. Il fut célébré par l'édition d'innombrables cartes postales et de nombreux articles où l'on rend hommage au viaduc en ces termes : "un travail merveilleux", "la plus grande arche du monde", "une des merveilles des temps modernes", "le plus gigantesque travail du monde"...
Patricia Rochès, Le viaduc de Garabit

Qu'est-ce que c'est que cette histoire, bordel ! Vous êtes de beaux fumiers ! Jaatinen nous paie à la tâche (...), il ne force personne, et de quel droit fomentez-vous des troubles ? Quelle bande de peigne-culs, vous stopperiez la construction du pont de votre propre village à cause de je ne sais quelles bisbilles !
Arto Paasilinna, Un homme heureux

 

Le viaduc de Garabit et la grotte de Chauvet sont en lice pour représenter Auvergne-Rhône-Alpes au concours de l'émission Le monument préféré des Français 2025. Les votes seront clôturés le 23 mai 2025.

Le viaduc de Garabit a été imaginé et conçu sur plans par le Lozérien de Florac Léon Boyer, avant d'être construit par Gustave Eiffel. Ces deux génies ont entouré les travaux, faisant ainsi un pont ceints d'esprits. 

 

Léon Boyer
Florac 1851 - Panama 1886

Ce viaduc est le lien ferroviaire qui relie la Lozère au Cantal, une passerelle entre l'Occitanie et l'Auvergne, un pont à ne pas couper entre le midi au massif central. Qu'il soit élu monument préféré des français serait un très bon coup, et comme le dit le proverbe auvergnat : " le coup secoue Garabit ". Car ce viaduc, qui vaut bien le pont du Gard, le pont Mirabeau ou Pont-Aven fait partie des ponts et merveilles. On a pu lire ici ou là, de la part d'ingénieurs pontifiants, que l'une des piles du pont se déchausse, rendant l'ouvrage dangereux. Son élection rassurerait son érection et des budgets seront surement trouvés pour que de pont déchaussé il redevienne imperméable aux chausses-trappes et que son tablier soit à nouveau dans ses petits souliers. Les culées du pont sont soumises à l'écoulement de l'eau de la rivière, et la Truyère étant pleine de trous, de gouffres ou de gourgs dus à de forts courants, l'assise du pont est mise à rude épreuve. Il est normal qu'elle soit éculée et mérite d'être pondérée.

Alors que la Truyère a fait passer beaucoup d'eau sous ce pont, il est temps pour lui de devenir un pont d'envol vers une nouvelle notoriété. En lui faisant ce pont d'or, chose qui n'a rien d'un pont aux ânes, le prestige récompenserait la prouesse technologique et sa durée dans le temps, prestige qui auréolerait les site et ses environs, de Saint Flour à Saint-chély d'Apcher, du pont-levis du chateau d'Alleuze au mont Mouchet. Cela chasserait les poncifs et établirait une nouvelle tête de pont autour de la Margeride et de la Planèze. Les agriculteurs et producteur laitiers pourraient même envisager la création d'un nouveau fromage de lait de vache, à pâte molle et à croûte lavée, style pont-l'évêque, un fromage de pontife.

Pour voter, il faut se rendre sur la plateforme France TV. Pour soutenir une ligne de chemin de fer, pour soutenir notre voisin auvergnat et nos étroites relations, pour soutenir un monument incontournable, pour éviter qu'à court terme on ne s'écrie " circulez ! il n'y a rien à voir ", votez pour Garabit !

Rappel sur l'importance de cette ligne : 

On n’entend plus siffler le train


L'attaque du train "Aubrac" par
des technocrates de Paris
Aquarelle de Morris - 20e siècle
De graves décisions aux conséquences funestes planent sur un ouvrage d’art à notre frontière nord. Sous couvert d’une réforme des trains inter-cités, les membres d’obscurs cénacles parisiens fomentent de sombres projets d’aménagements ferroviaires, préparant la réduction drastique de lignes dites en déficit. Pour notre territoire, ils ont, entre autres, dans leur viseur la ligne Béziers - Clermont, ou ce qu’il en reste, le trafic voyageur étant depuis plusieurs années déjà extrêmement limité. La fermeture définitive, annoncée pour 2015, porte un coup fatal au viaduc d’Eiffel. Le coup secoue Garabit qui se moule dans un destin de chef d’œuvre en péril. Et comment parler du « désenclavement » du massif-central, alors qu’on veut, en suivant ce chemin, défaire ce qui nous relie au reste du pays. Mais il semble que ce chemin de traverses, vieux et désuet, mal électrifié, ne réponds plus aux exigences du monde d’aujourd’hui. On raille « L’Aubrac », nom du train qui effectue le trajet Paris – Béziers, sa lenteur, son coût et le nombre ridicule de passagers. Cette réforme, qui devrait être compostée non pas comme un titre de transport mais comme un déchet organique, aiguille nos déplacements sur une voie de garage d'un Réseau Fichu en Friche.

Il semble aussi que les atours du viaduc d’Eiffel vieillissent mal et qu’une des piles du pont se lézarde. C’est plein d’entrain que les technocrates parisiens allèguent de ces défauts et des sommes considérables qui seraient nécessaire à la réparation, pour faire dérailler tout projet alternatif. Pour eux, l’heure est venue de monter sur scène comme on prend le dernier train. Leurs projets de couper le sifflet aux ultimes convois passant devant les derniers chefs de gare est en bonne voie. Alors qu’on devrait les déférer devant les tribunaux pour discrimination envers une population par la réduction du service public, ils seront au contraire récompensés pour la justesse de leurs analyses et les économies qu’elles permettront. Si les populations locales ont depuis longtemps bien jaugé ces fossoyeurs qu’on devrait enduire de goudron et de plumes, ils sont considérés dans les hautes-sphères du pouvoir français comme d’excellents boute-en-train, ces agents zélés qui, par leur application à mettre en ouvre ces réformes iniques, égaient et mettent en joie ceux qui les ont initiées.

Le viaduc de Garabit - Œuvre de Gustave Eiffel
 
Les locaux, motivés par leur volonté de préserver le rail, lien métallique et inoxydable, multiplient manœuvres et manifestations pour la sauvegarde des réseaux ferrés. Ces braves gens dont on chamboule le train-train quotidien veulent garder leurs derniers cheminots, sous peine de redevenir de pauvres chemineaux qui se verraient contraints de s’aiguiller sur d’autres voies pour se déplacer. Devront-ils faire en trail leurs transhumances professionnelles ? Pour le moment, on se réunit régulièrement sur telle ou telle gare du parcours, dans la bonne humeur, les élus locaux y vont de leurs couplets lyriques et se posent en contrôleurs vigilants de la pérennité du moyen de transport. Élus locaux qui appartiennent tout de même aux majorités qui se succèdent au pouvoir. Mais, plus soucieux de leur élection ou réélection que du bien être de leurs administrés, l’élu local persiflera trois fois au sujet de la sauvegarde des lignes des hautes-terres et d'un Service Non Conforme à sa Finalité.

Banderole dans une manifestation de 2015
 
N’empêche que, les mois passent et la chute du couperet se rapproche à un train d’enfer délaissant le train de sénateur pris lors du lancement de l’étude. Les humeurs montent, les esprits s’échauffent, la pression de la vapeur augmente. Les habitants des contrées concernées, qui ont déjà d’autres trains de retard, fatigués d’être de sous-citoyens rongent leurs freins mais jusqu’à quand ? Quand les barrières ne seront plus gardées, nombre d’entre eux pourraient se transformer en saboteur face au Très Grand Vide qu’on leur prépare. Les caténaires de la guerre, prisés des mafias métallifères venue d’Europe de l’est, seront, dans le Massif-Central, l’objet de toutes les surveillances. Pas question de laisser s’installer un train fantôme à la place de l’Aubrac, train bucolique qui permet aux voyageurs de voir au loin pousser les myrtilles dans la brume du petit matin. Rappel au passage, le niveau de circulation du Cévenol, entre Clermont et Nîmes, qui dessert l'est de la Lozère, est déjà très bas et tout aussi menacé.

Train fantôme sur les hautes-terres
 
Les Auvergnats et les Lozériens, lassés de regarder passer les wagons de réformes et les ravages qu’elles provoquent vont prendre le taureau par les cornes pour voir la sortie du tunnel de cette crise lamentable, afin que motrices et convois continuent à fouler le ballast populaire. Ils ne déraillent pas, eux ! Face aux parigots qui veulent se faire une ligne, ils sauront croiser le fer. Car enfin, s’il n’y a plus de train, que vont regarder passer les vaches ?

 
Effets pervers de la suppression des lignes de chemin de fer

 

Lozérix - Voix qui compte, vie duraille et ligne de crête de coq

 


jeudi 20 février 2025

Spidermende


 

La vraie chance des héros, c'est de plaire aux femmes.
Jean Van Hamme, Au delà des ombres - Thorgal tome 5

 

 

 

 

 

Dans la série des les super-héros lozériens

Le Mendois Araignée, Spidermende,  est le super-héros de la préfecture de la Lozère. Il tient ses super-pouvoirs de sa mère, descendante de la famille Boyer de Langogne, qui y créa la première filature de laine de France en 1828. Du côté paternel, la famille Parcœur possédait des magnaneries pour l'élevage du bombyx du mûrier, plus connu comme vers à soie, entre Barre-des-Cévennes et la Vallée française. Spidermende, Pierre Parcœur pour l'état civil, est né à Mende où il réside. Dans la vie de tous les jours il est photographe indépendant. Il vend ses photos de la trépidante vie mendoise au journal Le Clairon quotidien. Son incroyable dextérité et sa stupéfiante rapidité pour tisser des fils d'une solidité à toute épreuve et à les assembler en toile comme le font les arachnides l'ont fait surnommer le Mendois Araignée.


Mende - Place au blé, halle de l'ancien marché

 

jeudi 5 septembre 2024

Un intellectuel délité





L'élite de ce pays permet de faire et défaire les modes, suivant la maxime qui proclame : "Je pense, donc tu suis".
Pierre Desproges, Fonds de tiroir

Dès que quelqu'un me parle d'élites, je sais que je me trouve en présence d'un crétin.
Emil Michel de Ciora, Cahiers 1957 - 1972

En France, si vous faites partie de l'élite intellectuelle et que vous toussez, on publie un article en première page du Monde
Noam Chomsy

 Il n'y a pas d'élite, hélas, c'est la qu'est l'os !
d'après la paronomase de La grande Vadrouille, Gérard Oury - 1966, dialogues de Georges et André Tabet


 Le leader de la France Insoumise s’est encore laissé aller à une saillie aussi injuste qu’outrecuidante contre la Lozère et les Lozériens (Université d'été LFI, Châteauneuf-sur-Isère, Drôme, 24 aout 2024). Avant de développer, remarquons le savoureux paradoxe entre le nom de cette formation politique, « insoumise », alors qu’elle flirte avec l’islamisme, parfois radical, et que le mot islam signifie justement « soumission » ! Cette remarque préambulaire étant décochée, passons au vif du sujet. C’est le 25 août 2024 dans la Drôme que l’individu sus-cité a donc dérapé comme un skieur malhabile sur une piste verte du Mont Lozère, provoquant l’irréparable outrage. Ses propos étaient :

« La Martinique, lieu assez spécial et tout petit endroit. Malgré tout, ils sont 300 000, et pardon pour les autres, les Guadeloupéens, et ils ont toujours cultivé un certain sentiment d’élite intellectuelle. La vérité c’est qu’ils le sont quand vous faites à la fois Frantz Fanon, Cézaire, Glissant et Chamoiseau, vous ne pouvez pas dire, on est n’importe où. En Lozère, vous n’avez pas ça, vous avez juste qu’à vous en rendre compte ».
Quelques membre des élites lozériennes au cours des ages

En résumé, il n’y a pas d’élite intellectuelle en Lozère. De la part de quelqu’un qui est tout sauf un imbécile, c’est violent. Car le personnage, s’il est coutumier des outrances verbales et d’une exubérance de tous les instants, n’en est pas moins cultivé, intelligent et donc à ce titre dangereux. Car ces propos mettant stupidement en opposition nos compatriotes insulaires et notre peuple des hautes terres languedociennes et auvergnates pourraient bien illustrer sa vision bien ancrée de la nouvelle population dont il rêve et qu’il appelle sa société créole. Il parle de plus en plus souvent de cette société idéale selon lui, créolisée, métissée, colorisée, autrement dit, débarrassée de sa blanchité. Il l’a clairement exprimé en juin 2024 :

« Quand je suis né, un Français sur dix avait un grand-parent étranger, dorénavant, c’est un sur quatre. Par conséquent, ceux qui s'appellent Français de souche posent un problème sérieux à la cohésion de la société » (1).
Difficile d’être plus clair dans ce sombre exposé, au sens figuré du moins.

A la lueur de ces arguments qui empestent les pires remugles inhérents aux théories décoloniales, postcoloniales et wokistes en vogue dans cette famille politique, l’attaque contre les Lozériens prend une autre dimension. L’inconscient ou le subconscient de notre détracteur ne lui fournissent-ils pas l’image de ce qu’il abhorre le plus, augmentée par les clichés récurrents quant à notre « enclavement » et au « désert français » ? Une population vivant dans le département le moins peuplé de France, isolée par des frontières naturelles, privée de grandes voies de communication et donc peu ouvert sur le monde et qui souffrirait d’un manque d’apports extérieurs, vieillissante, prisonnière de ses vallées, ravagée par le crétinisme des Cévennes, version massive et centrale du crétinisme des Alpes, par la consanguinité et sclérosée faute d’une immigration massive ? Auquel cas, nous sommes pour le héraut de cette nouvelle France de vulgaires souchiens (2), de véritables Cathares, des hérétiques dont il faut se débarrasser, des empêcheurs de créoliser en rond qu’il faut rassembler dans le château du Tournel, le Montségur lozérien, avant que notre Simon de Montfort contemporain, quand il ne se prend pas pour Robespierre, n’y boute le feu après cette stigmatisation en règle (3).

Crétins des Alpes

Vu comme cela, ça fait froid dans le dos ! Attention donc à ne voir qu’un seul trait d’humour maladroit, une formule malheureuse dans une logorrhée qui en dit peut-être plus qu’une simple boutade. Boutade qui n’est d’ailleurs pas montée au nez des spectateurs partisans drômois de l’orateur qui ont complaisamment rigolé. Comme quoi, aux paroles déplacées d’un chameau, la Drôme adhère.

Il y a une autre piste qu’on ne peut écarter. Le fait qu’éventuellement il ne s’agisse que d’une diminution significative de neurones, d’un vieillissement prématuré des fonctions cérébrales, d’une parcheminisation des zones pariétales dédiée à l’intellect, de leur asséchement et de leur jaunissement, auquel cas il faut aliter ce jauni sans tarder dans un établissement spécialisé. Mais cette hypothèse ne peut être validée que par la trépanation de la créature, ce qu’elle risque de refuser. Cette prévisible décision négative va malheureusement à l’encontre de sa santé et de son bien-être et de l’apaisement de la polémique. Les Lozériens ne sont prêts d'oublier ces propos diffamatoires et discriminatoires. Ils ne se mettront pas à boire pour noyer leur chagrin, ils ne vont pas s'emboire de gras pour que la bave du crapaud séditieux n'atteigne leur blanche aplombe (4) ni croire à un éventuel repenti du hâbleur, voire à des excuses. La vengeance étant un plat qui se mange froid, ils ont déjà mis au feu les fers qui marqueront le nigaud d'infamie s'il venait à pointer le bout de son nez ou de tout autre appendice en terre gabale.

A moins qu'ils ne serrent les rangs autour de Talleyrand qui déclarait justement : " Tout ce qui est excessif est insignifiant ".


Lozérix, régleur de compte à KO Janluc

Crane trépané du dolmen de Chapieu (Mende - Lozère)
5000 ans av. JC - Collection du musée du Gévaudan
Les lozériens pratiquent depuis la nuit des temps
cet acte neurochirurgical délicat,témoignant d'un très grand savoir-faire
visant à soulager le patient de maux divers et de vilains mots




(1) https://www.tiktok.com/@ngomajosly/video/7380598340733504800. Déclaration complétée le 7 septembre 2024 lors d'une manifestation par : " Il faut mobiliser la jeunesse et les quartiers populaires. Tout le reste, on perd notre temps." TMC 07/09/2024. On mesure bien l'étendue du mépris pour la ruralité au sens large.
(2) Nom commun. (Néologisme) (Politique) (Péjoratif) Français de souche. Voir en ligne.
(3) Depuis, d'autres délit de faciès ont été révélés. Ainsi les habitants d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) "qui transpirent l'alcool dès le matin, sentent mauvais, sont presque tous obèses" Source : François Ruffin, Ma France en entier, pas à moitié, éditions Les Liens qui libèrent, septembre 2024
(4) Audace, hardiesse effrontée, culot, stabilité contrôlée (dictionnaire de scrabble) 

 

Lecture complémentaire : Pas d’intellectuels en Lozère ? L'inculture de Jean-Luc Mélenchon
Jean-Paul Pelras, Le Point, 07/09/2024 à 11h00, mis à jour le 08/09/2024 à 09h40