Terrassements sur la colline de Ward (Tlachtga) associés à la fête celtique de Samhain. Comté de Meath, Irlande - 2015 |
Mais les dieux ne meurent pas. Quand le temps de leur puissance
s'achève, ils se retirent en des lieux secrets ou se transforment en des
phénomènes naturels qui leur permettent d'être présents sans qu'on les
reconnaisse.
René Barjavel, L'enchanteur
René Barjavel, L'enchanteur
La version contemporaine d'Halloween est mercantile et américaine, mais son origine est celtique, européenne et païenne. La nuit du 31 octobre était pour les Celtes, et donc nos ancêtres les Gabales, la nuit du nouvel an. Cette nuit de Samain (1) qui marquait l’année nouvelle, était un moment de rencontre entre les vivants et les morts qui pouvaient quitter le Sidh (2), après quoi tout ce beau monde festoyait autour d’un de ces fameux banquets celtes dont l’ampleur a été archéologiquement révélée par la taille des chaudrons. Après l’avènement du culte du marcheur sur l’eau, un fils de charpentier qui finira cloué sur sa matière première, le dieu Kernunos (3), à cause de ses bois de cerf et de sa propension à conduire d’orgiaques bacchanales, a été arrêté, jugé et déclaré coupable d’être le Diable – personnage cornu préposé à l’entretien du chauffage central chez les chrétiens - et condamné à s’immerger sous terre, en un lieu nommé enfer.
Or, cet espace peuplé d'individus peu recommandables ne se révéla pas être un endroit nickel, ce qui fit dire à Kernunos que l'enfer c'est les autres. Il n’y a même pas un zinc ou prendre un pot et de toute façon l’argent n’y a pas cours. Les platines infernales ne diffusent que des orchestres de cuivre jouant des airs baroques sur tout laiton. La seule occupation est d’aller au charbon pour l’entretien des feux et la surveillance du mercure indiquant la température. Du mercure au chrome il n’y a qu’un pas et ce chrome, synonyme de malchance, est ici bas exprimée par l’absence totale de pause, même pour couler un bronze. Son acolyte, la déesse Keridwen (4) fut quant à elle déclarée coupable d’incitation à la débauche, exercice illégal de la médecine, délivrance de médicaments sans présentation d’ordonnance et production illégale de produits spiritueux et alcoolisés, délit aggravé de vente aux mineurs. Keridwen et Kernunos protestèrent avec véhémence mais leurs juges trouvant leurs plaintes sans fondements, restèrent sourds à ces cris sans thèmes. La rupture des cordes vocales et une migraine carabinée furent les maux de hurlements qui affligèrent nos dieux païens.
Quant aux citrouilles omniprésentes pendant Halloween, elles sont une réminiscence de la mésaventure d’un certain Jack, un Irlandais particulièrement irrespectueux qui se moquait autant de Dieu – patron du village de vacances « le Paradis » – que du Diable – en Enfer et contre tous – qui de ce fait, à sa mort, ne put rejoindre aucun des deux endroits et se trouva fort dépourvu quand l’abysse fut venu. Depuis son décès, il déambule de par le monde, ne pouvant rejoindre ni enfer ni paradis. Atteint de parasitose intestinale, il va souvent prendre des purges à Thouars, dans les Deux-Sèvres. Pour se donner un peu de lumière dans les ténèbres de son errance, Jack mit une bougie dans une citrouille creusée, c’est pourquoi les premiers à l’avoir vu passer, les Irlandais, l’ont surnommé Jack O’Lantern. Pour couronner le tout, ce pauvre Jack est condamné à errer jusqu’au jour du jugement dernier. Mais la justice divine étant au moins aussi encombrée que celle des hommes, l’ultime procès, qui sera annoncé par les cavaliers de l’apocalypse en un tiercé prometteur d'un beau désordre, n’a toujours pas de date attribuée. L’agenda de Dieu est plein, il n’a même pas un créneau pour faire réparer sa voiture dont une roue est crevée, ce qui est un comble au royaume des essieux, mais il faut dire que depuis le retour de son fiston, les voies de Dieu sont pleines d’épines et de clous. Tout cela ne le chagrine pas beaucoup ou il n’en laisse rien paraître. Les émois du seigneur sont impénétrables.
Halloween a été largement promu comme évènement festif en France et jusqu’en Lozère ou les commerces ont sacrifié à la mode des citrouilles découpées dans leurs vitrines, que se soit à Mende, Florac, Saint Chély d’Apcher ou Langogne, et des soirées sur ce thème sont toujours organisées. Même les loups du Gévaudan et les bisons d'Europe ont été réquisitionnés. Comble de l'horreur, mais engendrer la peur fait partie des halloweeneries, cette année un train va relier la Lozère au Gard. Toutefois, il semble que l’influence anglo-saxonne s'amincisse et le trick or treat (5) est troqué pour le concept d’origine précolombienne du dia de muertos.
Fort heureusement, dans les pays celtes, la fête de la nuit Samain, loin de s'amenuiser, connait regain d’intérêt avec un retour aux origines. Juste retour des choses, le dieu chrétien reçoit maintenant Samain dans la figure. Tendra t-il l'autre joue ?
Lozérix – Masque d’enfer
(1) Samain (Samhain, Samhainn ou Samhuinn)
est une des quatre grandes fêtes de l’année celtique, célébrée aux environs du 1er novembre. C'est
aussi le nom du mois de novembre en gaélique. Elle marque le début de la période sombre. C’est
le moment de transition, le passage d’une année à l'autre, et l’ouverture vers
l’Autre Monde, celui des dieux. C’est aussi le moment ou morts et
viavnts peuvent se rencontrer autours des sidhs.
(2) Sidh : autre monde pour les Celtes, généralement situé
sous terre, sous les collines et les tertres qui sont devenus les résidences des
Tuatha Dé Danann, accessible par l’eau et les
tumulus.
(3) Ou Cernunnos, dieu aux bois de cerf, le Cernunnos celtique est attesté par une dizaine de représentations figurées. La traduction usuelle du théonyme est « (dieu) cornu », mais il n'est pas certain, compte tenu des noms celtiques de la « corne » (gallois carn, breton karn), qu'elle soit exacte. Le thème kern- désigne en celtique expressément le sommet de la tête et il s'apparente aux mots indo-européens désignant des bêtes à corne en général et le cerf en particulier.
(4) Ceridwen, Cerridwen ou Kerridwen était une déesse de la mort et de la fertilité. Ceridwen garde la porte de l'Ouest avec Fal pour le Nord, Lug pour l'Est et Nuada pour le Sud. Son animal est le serpent.
(5) Un bonbon ou un sort.
(3) Ou Cernunnos, dieu aux bois de cerf, le Cernunnos celtique est attesté par une dizaine de représentations figurées. La traduction usuelle du théonyme est « (dieu) cornu », mais il n'est pas certain, compte tenu des noms celtiques de la « corne » (gallois carn, breton karn), qu'elle soit exacte. Le thème kern- désigne en celtique expressément le sommet de la tête et il s'apparente aux mots indo-européens désignant des bêtes à corne en général et le cerf en particulier.
(4) Ceridwen, Cerridwen ou Kerridwen était une déesse de la mort et de la fertilité. Ceridwen garde la porte de l'Ouest avec Fal pour le Nord, Lug pour l'Est et Nuada pour le Sud. Son animal est le serpent.
(5) Un bonbon ou un sort.
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